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Page:Brunetière - Cinq lettres sur Ernest Renan, 1904.djvu/77

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Mais surtout. Monsieur, nous nous glorifions de croire que, si les différences étaient plus profondes qu’elles ne le sont et, quand elles le seraient, le christianisme n’a paru dans le monde que pour les atténuer, et quelque jour les abolir. La théorie des races fût-elle vraie pour le passé de notre pauvre espèce, nous estimons qu’elle serait fausse pour le présent, et fausse pour l’avenir ! C’est la distinction que Renan n’a pas faite, et elle est fondamentale. Avec sa théorie des races, il me fait l’effet d’un homme qui, sous le prétexte que l’esclavage était la pierre angulaire des sociétés antiques, le regretterait, et s’efforcerait d’en restaurer l’institution parmi nous. Et il est vrai que l’hypothèse ne l’eût pas effrayé, « Le grand nombre, a-t-il dit quelque

    en opposer utilement les termes à ceux des citations de la précédente note :

    « Je suis un Juif ! un Juif n’a-t-il pas des yeux, un Juif n’a-t-il pas des mains ? des organes, des sens, des affections, des passions ? N’est-il pas nourri de la même nourriture, blessé des mêmes armes, sujet aux mêmes maladies, guéri par les mêmes remèdes, réchauffé et refroidi par le même été et le même hiver qu’un chrétien ? Si vous nous piquez, est-ce que nous ne saignons pas ? Si vous nous chatouillez, est-ce que nous ne rions pas ? Si vous nous empoisonnez, est-ce que nous ne mourons pas ? Et si vous nous outragez, est-ce que nous ne nous vengerons pas ? » (Le Marchand de Venise, XIII.)

    Mais Shakespeare ne savait pas que le Juif fût une combinaison « réellement inférieure » de la nature humaine !