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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome I, partie 1.pdf/213

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elle est de 4 800 à 6 400 mètres à l’heure. De Terre-Neuve aux Açores, il parcourt 3 000 milles géographiques en soixante-dix-huit jours. Sa température est de 30 degrés dans le golfe du Mexique ; en vue des sables de Hook, sous le 40° 30′ de latitude, elle est de 26°,67 centigrades. À la hauteur de Terre-Neuve, sa température est encore supérieure de plus de 4 degrés centigrades à celle de l’eau voisine. La quantité de chaleur apportée par le Gulf-Stream dans l’Atlantique est tellement considérable que, d’après Forbes, elle suffirait pour élever la température de l’atmosphère qui recouvre la Grande-Bretagne et la France du point de congélation de l’eau à la température d’un jour d’été. Le Gulf-Stream doit donc exercer une influence considérable sur la température moyenne de tous les continents au voisinage desquels il passe. C’est à lui notamment qu’on attribue la douceur du climat de toutes les côtes du nord-ouest de la France.

Au-dessous du courant d’eau chaude dont nous venons de parler, il existe un courant d’eau froide dirigé exactement en sens contraire, c’est-à-dire du nord au sud, prenant naissance dans les régions polaires de l’Atlantique. La manière dont se forment ces courants est très simple. L’eau très chaude du golfe du Mexique, tend naturellement à se répandre au-dessus de l’eau plus froide, et par conséquent plus dense, des mers voisines, comme l’huile versée dans un point limité d’un verre d’eau, tend à recouvrir toute la surface de l’eau. Quant aux courants d’eau froide qui viennent du nord, ils s’expliquent par le fait que l’eau de la surface parvenue à 4 degrés centigrades, se trouvant plus dense s’enfonce et se répand au-dessous de l’eau plus froide exposée au contact glacial des vents qui soufflent du nord.

Je ne veux pas insister davantage sur ces phénomènes. Il me suffira de rappeler que, grâce aux marées, aux courants et aux vents, les eaux de la mer sont dans un état incessant de mouvement non seulement à la surface, mais jusque dans les plus grandes profondeurs. Le sol des mers est ainsi sans cesse agité, tandis que les côtes des continents sont doucement léchées ou violemment heurtées par les vagues. Il en résulte nécessairement l’usure de certaines côtes dont les matériaux transportés en d’autres points y forment des dépôts destinés à augmenter la surface des continents.

Usure des côtes. Quelques exemples suffisent pour mettre en lumière l’importance de l’action destructive de la mer, la seule dont nous ayons à nous occuper en ce moment. Le voyageur le moins attentif n’a qu’à jeter un coup d’œil sur les falaises qui bordent notre pays le long de la Manche et du Pas-de-Calais pour acquérir la preuve irrécusable des dégâts terribles que fait la mer en ces régions. On voit, au moment des grandes marées et pendant les tempêtes, d’énormes blocs de terre ou de rochers se détacher des falaises sous le choc de vagues gigantesques. De Boulogne au cap Gris-Nez, par exemple, toute la partie de la côte qui est formée de falaises est bordée d’immenses blocs de roches arrondies, tombées de la falaise, dans laquelle des blocs semblables