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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome I, partie 1.pdf/407

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méthodes de classification des êtres vivants et celle de l’enchaînement de ces êtres.

Les premiers naturalistes n’ont fait que de l’analyse. C’est avec raison que Buffon critique toutes les méthodes de classification adoptées à son époque ou dans des temps plus anciens. La connaissance des animaux et des végétaux était encore trop imparfaite pour qu’on eût pu saisir les ressemblances qui existent entre eux. On ne pouvait qu’être frappé des différences. Buffon lui-même trace le tableau des idées qui durent venir à l’esprit des premiers observateurs de la nature : « Imaginons, dit-il, un homme qui a tout oublié ou qui s’éveille tout neuf pour les objets qui l’environnent, plaçons cet homme dans une campagne où les animaux, les oiseaux, les poissons, les plantes, les pierres se présentent successivement à ses yeux. Dans les premiers instants cet homme ne distinguera rien et confondra tout ; mais laissons ses idées s’affermir peu à peu par des sensations réitérées des mêmes objets ; bientôt il se formera une idée générale de la matière animée, il la distinguera aisément de la matière inanimée, et peu de temps après il distinguera très bien la matière animée de la matière végétative, et naturellement il arrivera à cette première grande division, animal, végétal et minéral ; et comme il aura pris en même temps une idée nette de ces grands objets si différents, la terre, l’air et l’eau, il viendra en peu de temps à se former une idée particulière des animaux qui habitent la terre, de ceux qui demeurent dans l’eau, et de ceux qui s’élèvent dans l’air, et par conséquent il se fera aisément à lui-même cette seconde division, animaux quadrupèdes, oiseaux, poissons ; il en est de même dans le règne végétal, des arbres et des plantes, il les distinguera très bien, soit par leur grandeur, soit par leur substance, soit par leur figure. Voilà ce que la simple inspection doit nécessairement lui donner, et ce qu’avec une très légère attention il ne peut manquer de reconnaître. »

C’est, en effet, ce que firent les premiers naturalistes. Rien n’est puéril, aux yeux d’un savant de notre époque, comme les classifications adoptées jusqu’à la fin du siècle dernier. Aristote établit sa division primordiale des animaux sur la présence ou l’absence de sang rouge ; puis il divise tous les animaux sanguins d’après la présence ou l’absence de membres ; il nomme quadrupèdes ceux qui ont quatre membres, confondant sous cette dénomination les mammifères, les lézards, les grenouilles, les tortues, etc. ; les animaux à deux pieds et à deux ailes forment son groupe des oiseaux ; les animaux sanguins sans pieds constituent son groupe des poissons ; mais il confond dans cette classe les baleines, qui sont des mammifères, avec les véritables poissons, etc. Sa classification des plantes n’est pas moins rudimentaire : il les divise d’après leur taille, en arbres, arbrisseaux, herbes ; d’après leur usage comme herbes potagères ou non ; d’après la nature comestible de leurs graines, les sucs qu’elles fournissent, etc. C’est bien réellement la classification de l’homme ignorant dépeint plus haut par Buffon, de celui qui