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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome I, partie 2.pdf/132

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je n’aie pas pu m’assurer précisément de cette étendue en largeur. J’ai souvent observé que ce lit de marbre a la même épaisseur partout ; et dans des collines, séparées de cette carrière par un vallon de 100 pieds de profondeur et d’un quart de lieue de largeur, j’ai trouvé le même lit de marbre à la même hauteur ; je suis persuadé qu’il en est de même de toutes les carrières de pierre ou de marbre où l’on trouve des coquilles, car cette observation n’a pas lieu dans les carrières de grès. Nous donnerons, dans la suite, les raisons de cette différence, et nous dirons pourquoi le grès n’est pas disposé, comme les autres matières, par lits horizontaux, et qu’il est en blocs irréguliers pour la forme et pour la position.

On a de même observé que les lits de terre sont les mêmes des deux côtés des détroits de la mer, et cette observation, qui est importante, peut nous conduire à reconnaître les terres et les îles qui ont été séparées du continent ; elle prouve, par exemple, que l’Angleterre a été séparée de la France, l’Espagne de l’Afrique, la Sicile de l’Italie, et il serait à souhaiter qu’on eût fait la même observation dans tous les détroits ; je suis persuadé qu’on la trouverait vraie presque partout, et pour commencer par le plus long détroit que nous connaissions, qui est celui de Magellan, nous ne savons pas si les mêmes lits de pierre se trouvent à la même hauteur des deux côtés, mais nous voyons, à l’inspection des cartes particulières de ce détroit, que les deux côtes élevées qui le bornent, forment à peu près, comme les montagnes de la terre, des angles correspondants, et que les angles saillants sont opposés aux angles rentrants dans les détours de ce détroit, ce qui prouve que la Terre-de-Feu doit être regardée comme une partie du continent de l’Amérique ; il en est de même du détroit de Forbisher, l’île de Frisland paraît avoir été séparée du continent de Groenland.

Les îles Maldives ne sont séparées les unes des autres que par de petits trajets de mer, de chaque côté desquels se trouvent des bancs et des rochers composés de la même matière ; toutes ces îles qui, prises ensemble, ont près de 200 lieues de longueur, ne formaient autrefois qu’une même terre : elles sont divisées en treize provinces que l’on appelle atollons. Chaque atollon contient un grand nombre de petites îles dont la plupart sont tantôt submergées et tantôt à découvert ; mais, ce qu’il y a de remarquable, c’est que ces treize atollons sont chacun environnés d’une chaîne de rochers de même nature de pierre, et qu’il n’y a que trois ou quatre ouvertures dangereuses par où on peut entrer dans chaque atollon ; ils sont tous posés de suite et bout à bout, et il paraît évidemment que ces îles étaient autrefois une longue montagne couronnée de rochers. (Voyez Voyages de Franç. Pyrard, vol. Ier, Paris, 1719, p. 107, etc.)

Plusieurs auteurs, comme Yerstegan, Twine, Sommer, et surtout Campbell dans sa description de l’Angleterre, au chapitre de la province de Kent, donnent des raisons très fortes pour prouver que l’Angleterre était autrefois jointe à la France, et qu’elle en a été séparée par un coup de mer qui, s’étant ouvert cette porte, a laissé à découvert une grande quantité de terres basses et marécageuses tout le long des côtes méridionales de l’Angleterre. Le docteur Wallis fait valoir, comme une preuve de ce fait, la conformité de l’ancien langage des Gallois et des Bretons, et il ajoute plusieurs observations que nous rapporterons dans les articles suivants.

Si l’on considère, en voyageant, la forme des terrains, la position des montagnes et les sinuosités des rivières, on s’apercevra qu’ordinairement les collines opposées sont non seulement composées des mêmes matières, au même niveau, mais même qu’elles sont à peu près également élevées : j’ai observé cette égalité de hauteur dans les endroits où j’ai voyagé, et je l’ai toujours trouvée la même à très peu près, des deux côtés, surtout dans les vallons serrés et qui n’ont tout au plus qu’un quart ou un tiers de lieue de largeur ; car, dans les grandes vallées qui ont beaucoup plus de largeur, il est assez difficile de juger exactement de la hauteur des collines et de leur égalité, parce qu’il y