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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome I, partie 2.pdf/145

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d’ordinaire aux pèlerins, non seulement comme de simples curiosités, mais aussi comme des remèdes contre divers maux. Les olives, qui sont les lapides judaïci qu’on trouve dans les boutiques des droguistes, ont toujours été regardées comme un spécifique pour la pierre et la gravelle. » (Voyages de Shaw, t. II, p. 70.) Ces lapides judaïci sont des pointes d’oursin.

« M. La Roche, médecin, me donna de ces olives pétrifiées, dites lapis judaïcus, qui croissent en quantité dans ces montagnes, où l’on trouve, à ce qu’on m’a dit, d’autres pierres qui représentent parfaitement au dedans des natures d’hommes et de femmes. » (Voyage de Monconys, première partie, p. 334.) Ceci est l’hysterolithes.

« En allant de Smyrne à Tauris, lorsque nous fûmes à Tocat, les chaleurs étant fort grandes, nous laissâmes le chemin ordinaire du côté du nord, pour prendre par les montagnes où il y a toujours de l’ombrage et de la fraîcheur. En bien des endroits, nous trouvâmes de la neige et quantité de très belle oseille, et sur le haut de quelques-unes de ces montagnes on trouve des coquilles comme sur le bord de la mer, ce qui est assez extraordinaire. » (Tavernier.)

Voici ce que dit Olearius au sujet des coquilles pétrifiées qu’il a remarquées en Perse et dans les rochers des montagnes où sont taillés les sépulcres, près du village de Pyrmaraüs.

« Nous fûmes trois qui montâmes jusque sur le haut du roc par des précipices effroyables, nous entr’aidant les uns les autres ; nous y trouvâmes quatre grandes chambres et au dedans plusieurs niches taillées dans le roc pour servir de lit ; mais ce qui nous surprit le plus, ce fut que nous trouvâmes dans cette voûte, sur le haut de la montagne, des coquilles de moules, et en quelques endroits en si grande quantité, qu’il semblait que toute cette roche ne fût composée que de sable et de coquilles. En revenant de Perse, nous vîmes le long de la mer Caspie plusieurs de ces montagnes de coquilles. »

Je pourrais joindre à ce qui vient d’être rapporté beaucoup d’autres citations que je supprime, pour ne pas ennuyer ceux qui n’ont pas besoin de preuves surabondantes, et qui se sont assurés, comme moi, par leurs yeux, de l’existence de ces coquilles dans tous les lieux où on a voulu les chercher.

On trouve en France non seulement les coquilles de nos côtes, mais encore des coquilles qu’on n’a jamais vues dans nos mers. Il y a même des naturalistes qui prétendent que la quantité de ces coquilles étrangères pétrifiées est beaucoup plus grande que celle des coquilles de notre climat ; mais je crois cette opinion mal fondée ; car, indépendamment des coquillages qui habitent le fond de la mer et de ceux qui sont difficiles à pécher, et que par conséquent on peut regarder comme inconnus ou même étrangers, quoiqu’ils puissent être nés dans nos mers, je vois en gros qu’en comparant les pétrifications avec les analogues vivants, il y en a plus de nos côtes que d’autres : par exemple, tous les peignes, la plupart des pétoncles, les moules, les huîtres, les glands de mer, la plupart des buccins, les oreilles de mer, les patelles, le cœur-de-bœuf, les nautiles, les oursins à gros tubercules et à grosses pointes, les oursins châtaignes de mer, les étoiles, les dentales, les tubulites, les astroïtes, les cerveaux, les coraux, les madrépores, etc., qu’on trouve pétrifiés en tant d’endroits, sont certainement des productions de nos mers ; et, quoiqu’on trouve en grande quantité les cornes d’ammon, les pierres lenticulaires, les pierres judaïques, les columnites, les vertèbres de grandes étoiles, et plusieurs autres pétrifications, comme les grosses vis, le buccin appelé abajour, les sabots, etc., dont l’analogue vivant est étranger ou inconnu, je suis convaincu, par mes observations, que le nombre de ces espèces est petit en comparaison de celui des coquilles pétrifiées de nos côtes : d’ailleurs, ce qui fait le fond de nos marbres et de presque toutes nos pierres à chaux et à bâtir, sont des madrépores, des astroïtes, et toutes ces autres productions formées par les insectes de la mer et qu’on appelait autrefois plantes marines ; les