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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome I, partie 2.pdf/289

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qu’elles avaient plus de trois pieds de diamètre : des observateurs dignes de foi m’ont assuré en avoir vu de beaucoup plus grandes encore, et, entre autres, une de huit pieds de diamètre sur un pied d’épaisseur. Ces différentes cornes d’ammon paraissent former des espèces distinctement séparées ; les unes sont plus, les autres moins aplaties ; il y en a de plus ou de moins cannelées, toutes spirales, mais différemment terminées tant à leur centre qu’à leurs extrémités ; et ces animaux, si nombreux autrefois, ne se trouvent plus dans aucune de nos mers ; ils ne nous sont connus que par leurs dépouilles, dont je ne puis mieux représenter le nombre immense que par un exemple que j’ai tous les jours sous les yeux. C’est dans une minière de fer en grain près d’Étivey, à trois lieues de mes forges de Buffon, minière qui est ouverte il y a plus de cent cinquante ans, et dont on a tiré depuis ce temps tout le minerai qui s’est consommé à la forge d’Aisy ; c’est là, dis-je, que l’on voit une si grande quantité de ces cornes d’ammon entières et en fragments, qu’il semble que la plus grande partie de la minière a été modelée dans ces coquilles. La mine de Conflans, en Lorraine, qui se traite au fourneau de Saint-Loup, en Franche-Comté, n’est de même composée que de bélemnites et de cornes d’ammon : ces dernières coquilles ferrugineuses sont de grandeurs si différentes qu’il y en a du poids, depuis un gros jusqu’à deux cents livres[1]. Je pourrais citer d’autres endroits où elles sont également abondantes. Il en est de même des bélemnites, des pierres lenticulaires et de quantité d’autres coquillages dont on ne retrouve point aujourd’hui les analogues vivants dans aucune région de la mer, quoiqu’elles soient presque universellement répandues sur la surface entière de la terre. Je suis persuadé que toutes ces espèces, qui n’existent plus, ont autrefois subsisté pendant tout le temps que la température du globe et des eaux de la mer était plus chaude qu’elle ne l’est aujourd’hui, et qu’il pourra de même arriver, à mesure que le globe se refroidira, que d’autres espèces actuellement vivantes cesseront de se multiplier et périront, comme ces premières ont péri, par le refroidissement.

La seconde observation, c’est que quelques-uns de ces ossements énormes, que je croyais appartenir à des animaux inconnus, et dont je supposais les espèces perdues, nous ont paru néanmoins, après les avoir scrupuleusement examinés, appartenir à l’espèce de l’éléphant et à celle de l’hippopotame ; mais, à la vérité, à des éléphants et des hippopotames plus grands que ceux du temps présent. Je ne connais dans les animaux terrestres qu’une seule espèce perdue, c’est celle de l’animal dont j’ai fait dessiner les dents molaires avec leurs dimensions ; les autres grosses dents et grands ossements que j’ai pu recueillir ont appartenu à des éléphants et à des hippopotames.





ADDITIONS

À L’ARTICLE QUI A POUR TITRE : DES INÉGALITÉS DE LA SURFACE DE LA TERRE.



I. — Sur la hauteur des montagnes.

Nous avons dit que « les plus hautes montagnes du globe sont les Cordillères, en Amérique, surtout dans la partie de ces montagnes qui est située sous l’équateur et entre les tropiques. » Nos mathématiciens envoyés au Pérou et quelques autres observateurs en ont mesuré les hauteurs au-dessus du niveau de la mer du Sud, les uns géométrique-

  1. Mémoires de physique de M. de Grignon, p. 378.