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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome I, partie 2.pdf/63

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distance considérable. Ces couches produites par les rivières et par les autres eaux courantes ne sont pas de l’ancienne formation ; elles se reconnaissent aisément à la différence de leur épaisseur, qui varie et n’est pas la même partout comme celle des couches anciennes, à leurs interruptions fréquentes, et enfin à la matière même qu’il est aisé de juger et qu’on reconnaît avoir été lavée, roulée et arrondie. On peut dire la même chose des couches de tourbes et de végétaux pourris qui se trouvent au-dessous de la première couche de terre dans les terrains marécageux ; ces couches ne sont pas anciennes, et elles ont été produites par l’entassement successif des arbres et des plantes qui peu à peu ont comblé ces marais. Il en est encore de même de ces couches limoneuses que l’inondation des fleuves a produites dans différents pays ; tous ces terrains ont été nouvellement formés par les eaux courantes ou stagnantes, et ils ne suivent pas la pente égale ou le niveau aussi exactement que les couches anciennement produites par le mouvement régulier des ondes de la mer[NdÉ 1]. Dans les couches que les rivières ont formées, on trouve des coquilles fluviatiles, mais il y en a peu de marines, et le peu qu’on y trouve est brisé, déplacé, isolé, au lieu que, dans les couches anciennes, les coquilles marines se trouvent en quantité ; il n’y en a point de fluviales et ces coquilles de mer y sont bien conservées et toutes placées de la même manière, comme ayant été transportées et posées en même temps par la même cause ; et, en effet, pourquoi ne trouve-t-on pas les matières entassées irrégulièrement, au lieu de les trouver par couches ? pourquoi les marbres, les pierres dures, les craies, les argiles, les plâtres, les marnes, etc., ne sont-ils pas dispersés ou joints par couches irrégulières ou verticales ? pourquoi les choses pesantes ne sont-elles pas toujours au-dessous des plus légères ? Il est aisé d’apercevoir que cette uniformité de la nature, cette espèce d’organisation de la terre, cette jonction des différentes matières par couches parallèles et par lits, sans égard à leur pesanteur, n’ont pu être produites que par une cause aussi puissante et aussi constante que celle de l’agitation des eaux de la mer, soit par le mouvement réglé des vents, soit par celui du flux et du reflux, etc. Ces causes agissent avec plus de force sous l’équateur que dans les autres climats, car les vents y sont plus constants et les marées plus violentes que partout ailleurs ; aussi, les plus grandes chaînes de montagnes sont voisines de l’équateur ; les montagnes de l’Afrique et du Pérou sont les plus hautes qu’on connaisse, et, après avoir traversé des continents entiers, elles s’étendent encore à des distances très considérables sous les eaux de la mer Océane. Les montagnes de l’Europe et de l’Asie, qui s’étendent depuis l’Espagne jusqu’à la Chine, ne sont pas aussi élevées que celles de l’Amérique méridionale et de l’Afrique. Les montagnes du Nord ne sont, au rapport des voyageurs, que des collines en comparaison de celles des pays méridionaux ;

  1. Tout le passage relatif aux dépôts formés par les ruisseaux et les rivières est d’une grande exactitude.