Aller au contenu

Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome II, partie 3.pdf/113

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

arrondies sont peut-être d’une date aussi nouvelle que celle des carrières parasites de dernière formation. La finesse du grain de ces pierres arrondies, leur résistance à l’action du feu, plus grande que celle des autres pierres à chaux, le peu de profondeur où se trouve la base de leurs amas, la forme même de ces pierres qui semble démontrer qu’elles

    chaux de différentes grosseurs, toutes arrondies, d’un grain extrêmement fin, serré, et si bien lié qu’en choquant ces pierres elles tintent pour l’ordinaire ; celles qui se trouvent vers la surface du rocher sont peu liées entre elles ; mais, pour peu qu’on creuse, on trouve que tous les vides qui les séparent sont exactement remplis d’une terre dont le grain est plus grossier que celui des pierres : cette terre a été si bien durcie qu’elle ne fait avec les pierres arrondies qu’une même masse, dont on ne détache des blocs qu’au moyen de la mine.

    » On voit à la cassure de ces rochers que la terre qui lie les différents morceaux est partout roussâtre ; mais les morceaux eux-mêmes sont de différentes couleurs, ce qui donnerait, si cette pierre était taillée et polie, une assez belle espèce de brèche.

    » Ce rocher de cailloutages, connu à Alais sous le nom d’amenla, est de la nature des pierres calcaires ou des marbres, et fait la plus excellente de toutes les chaux, d’une tenue prompte et très forte, et qu’on recherche pour bâtir dans l’eau ; cette chaux demande une plus longue cuite que les autres, surtout si on emploie les pierres détachées qui ont été longtemps exposées à l’air, ne fussent-elles que de la grosseur d’un œuf de poule ; si on ne les casse en deux, on a beau les faire rougir dans le four à chaux pendant vingt-quatre heures, comme à l’ordinaire, elles sont trop réfractaires pour se calciner ; elles ne fusent point à l’eau, ou ne se détrempent jamais bien.

    » Le rocher d’amenla ne va pas à une grande profondeur, comme ceux des autres chaînes ; on en voit dans quelques ravins les fondements ou la base, qui se trouve souvent mêlée de couches d’un rocher jaunâtre de pierre morte : ce rocher sur lequel porte l’amenla est fort commun dans tous les endroits par où passe notre chaîne ; il est assez dur dans la carrière, mais il s’éclate et se calcine pour peu qu’il ait été à l’air, et cela parce qu’il est fort poreux et qu’il n’est point pénétré de sucs pierreux. En conséquence, sa cassure est mate, et n’a point de ces grains luisants qui sont communs à toutes les pierres à chaux ; aussi, lorsqu’on les met cuire ensemble, ces pierres mortes ne donnent que de la terre…

    » Ce rocher porte toutes les marques d’un bouleversement et d’un désordre qui a confondu les pierres avec les coquillages qu’on trouve indifféremment répandus dans toute l’épaisseur du rocher, et dans les endroits les plus profonds où sa base aboutit.

    » C’est principalement de ce désordre et de la forme arrondie des pierres que j’ai conjecturé : 1o que la pétrification des morceaux arrondis du rocher d’amenla et des coquillages qui s’y trouvent mêlés est de beaucoup antérieure à celle de la terre qui les lie les uns avec les autres ; 2o que tout le rocher est étranger, pour ainsi dire, dans la place qu’il occupe ; 3o que les pierres d’amenla paraissent s’être arrondies en roulant confusément les unes sur les autres, de même façon que les galets de la mer ou des rivières. Qu’on examine les raisons que j’en rapporte, pour juger si je fais des suppositions trop violentes.

    » 1o La terre qui lie les pierres d’amenla de différentes couleurs est elle-même d’une couleur toujours uniforme et d’un grain plus grossier ; cette terre n’est jamais si bien pétrifiée qu’à la fin elle ne se gerce et ne se calcine à l’air lorsqu’elle y est restée longtemps exposée : aussi la surface des rochers d’amenla où l’on n’a pas touché est toute soulevée en morceaux détachés, tandis que les pierres arrondies, ou l’amenla proprement dit, reste entier et n’en devient que plus dur…

    » C’est à cette cause qu’il faut attribuer la facilité que les couches d’un rocher ont de se séparer les unes des autres, et c’est ce qui me fait conclure que notre rocher est le produit de deux pétrifications faites en des temps différents, d’abord celle des pierres arrondies ou des amenlas, et ensuite celle de la terre qui les lie.

    » 2o Dans la cassure d’un bloc, composé de plusieurs amenlas liés par une terre durcie,