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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome II, partie 3.pdf/145

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marins dans le marbre blanc[NdÉ 1], et que dans ses carrières on ne remarque point les fentes perpendiculaires ni même les délits horizontaux, qui séparent et divisent par bancs et par blocs les autres carrières de pierres calcaires ou de marbres d’ancienne formation : on voit seulement sur ce marbre blanc de très petites gerçures qui ne sont ni régulières ni suivies ; l’on en tire des blocs d’un très grand volume et de telle épaisseur que l’on veut, tandis que, dans les marbres d’ancienne formation, les blocs ne peuvent avoir que l’épaisseur du banc dont on les tire, et la longueur qui se trouve entre chacune des fentes perpendiculaires qui traversent ce banc. L’inspection même de la substance du marbre blanc, et les grains spathiques que l’on aperçoit à sa cassure, semblent démontrer qu’il a été formé par la stillation des eaux ; et l’on observe de plus que lorsqu’on le taille il obéit au marteau dans tous les sens, soit qu’on l’entame horizontalement ou verticalement, au lieu que, dans les marbres d’ancienne formation, le sens horizontal est celui dans lequel on les travaille plus facilement que dans tout autre sens.

Les marbres anciens sont donc composés :

1o Des débris de pierres dures ou de marbres encore plus anciens et réduits en plus ou moins petit volume. Dans les brèches, ce sont des morceaux très distincts, et qui ont depuis quelques lignes jusqu’à quelques pouces de diamètre. Ceux que les nomenclateurs ont appelés marbres oolithes, qui sont composés de petits graviers arrondis, semblables à des œufs de poissons, peuvent être mis au rang des brèches ainsi que les poudingues calcaires, composés de gros graviers arrondis.

2o D’un ciment pierreux ordinairement coloré qui lie ces morceaux dans les brèches, et réunit les parties coquilleuses avec les graviers dans les autres marbres : ce ciment, qui fait le fond de tous les marbres, n’est qu’une matière pierreuse anciennement réduite en poudre et qui avait acquis son dernier degré de pétrification avant de se réunir, ou qui l’a pris depuis par la susception du liquide pétrifiant.

Mais les marbres de seconde formation ne contiennent ni galets ni graviers arrondis et ne présentent aucune impression de coquilles : ils sont, comme nous l’avons dit, uniquement composés de molécules pierreuses, charriées et déposées par la stillation des eaux, et dès lors ils sont plus uniformes dans leur texture et moins variés dans leur composition ; ils ont ordinairement le grain plus fin et des couleurs plus brillantes que les premiers marbres, desquels néanmoins ils tirent leur origine. On peut en donner des exemples dans tous les marbres antiques et modernes : ceux auxquels on donne le nom d’antiques ne nous sont plus connus que par les monuments où ils ont été employés, car les carrières dont ils ont été tirés sont perdues, tandis que ceux qu’on appelle marbres modernes se tirent encore actuellement des carrières qui nous sont connues. Le cipolin parmi ces marbres antiques, et le sérancolin parmi les marbres modernes, sont tous deux de seconde formation ; le jaune et le vert antiques et modernes, les marbres blancs et noirs, tous ceux, en un mot, qui sont nets et purs, qui ne contiennent point de galets ni de productions marines dont la figure soit apparente, et qui ne sont, comme l’albâtre, composés que de molécules pierreuses, très petites et disposées d’une manière uniforme, doivent être regardés comme des marbres de seconde formation, parmi lesquels il y en a, comme les marbres blancs de Carrare, de Paros, etc., auxquels on a donné mal à propos le nom de marbres salins, uniquement à cause qu’ils offrent à leur cassure et quelquefois à leur surface de petits cristaux spathiques en forme de grains de sel ; ce qui a fait dire à quelques observateurs superficiels[1] que ces marbres contenaient une grande quantité de sels.

  1. Le docteur Targioni Tozzetti rapporte très sérieusement une observation de Leeuwenhoek qui prétend avoir découvert dans l’albâtre une très grande quantité de sel, d’où ce
  1. Le marbre blanc dépourvu de fossiles est un calcaire métamorphosé par la chaleur ou l’eau, ou par les deux à la fois.