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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome II, partie 3.pdf/177

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quatre éléments. Dans ce sens, on peut dire que l’élément de la terre entre comme partie essentielle dans la composition de tous les corps : non seulement elle se trouve toujours dans tous en plus ou moins grande quantité, mais par son union avec les trois autres éléments, elle prend toutes les formes possibles ; elle se liquéfie, se fixe, se pétrifie, se métallise, se resserre, s’étend, se sublime, se volatilise et s’organise suivant les différents mélanges et les degrés d’activité, de résistance et d’affinité de ces mêmes principes élémentaires.

De même, si l’on ne considère la terre en général que par ses caractères les plus aisés à saisir, elle nous paraîtra, comme on la définit en chimie, une matière sèche, opaque, insipide, friable, qui ne s’enflamme point, que l’eau pénètre, étend et rend ductile, qui s’y délaie et ne se dissout pas comme le sel. Mais ces caractères généraux sont, ainsi que toutes les définitions, plus abstraits que réels ; étant trop absolus, ils ne sont ni relatifs, ni par conséquent applicables à la chose réelle : aussi ne peuvent-ils appartenir qu’à une terre qu’on supposerait être parfaitement pure, ou tout au plus mêlée d’une très petite quantité d’autres substances non comprises dans la définition. Or, cette terre idéale n’existe nulle part, et, tout ce que nous pouvons faire pour nous rapprocher de la réalité, c’est de distinguer les terres les moins composées de celles qui sont les plus mélangées. Sous ce point de vue plus vrai, plus clair et plus réel qu’aucun autre, nous regarderons l’argile, la craie et le limon, comme les terres les plus simples de la nature, quoique aucune des trois ne soit parfaitement simple ; et nous comprendrons dans les terres composées, non seulement celles qui sont mêlées de ces premières matières, mais encore celles qui sont mélangées de substances hétérogènes, telles que les sables, les sels, les bitumes, etc., etc. : toute terre qui ne contient qu’une très petite quantité de ces substances étrangères conserve à peu près toutes ses qualités spécifiques et ses propriétés naturelles ; mais, si le mélange hétérogène domine, elle perd ces mêmes propriétés ; elle en acquiert de nouvelles toujours analogues à la nature du mélange, et devient alors terre combustible ou réfractaire, terre minérale ou métallique, etc., suivant les différentes combinaisons des substances qui sont entrées dans sa composition.

Ce sont en effet ces différents mélanges qui rendent les terres pesantes ou légères, poreuses ou compactes, molles ou dures, rudes ou douces au toucher : leurs couleurs viennent aussi des parties minérales ou métalliques qu’elles renferment ; leur saveur douce, âcre ou astringente, provient des sels, et leur odeur, agréable ou fétide, est due aux particules aromatiques, huileuses et salines dont elles sont pénétrées.

De plus, il y a beaucoup de terres qui s’imbibent d’eau facilement ; il y en a d’autres sur lesquelles l’eau ne fait que glisser ; il y en a de grasses, de tenaces, de très ductiles, et d’autres dont les parties n’ont point d’adhésion, et semblent approcher de la nature du sable ou de la cendre ; elles ont chacune différentes propriétés et servent à différents usages : les terres argileuses les plus ductiles, lorsqu’elles sont fort chargées d’acide, servent au dégraissage des laines ; les terres bitumineuses et végétales, telles que les tourbes el les charbons de terre, sont d’une utilité presque aussi grande que le bois ; les terres calcaires et ferrugineuses s’emploient dans plusieurs arts, et notamment dans la peinture ; plusieurs autres terres servent à polir les métaux, etc. Leurs usages sont aussi multipliés que leurs propriétés sont variées ; et de même, dans les différentes espèces de nos terres cultivées, nous trouverons que telle terre est plus propre qu’une autre à la production de telles ou telles plantes, qu’une terre stérile par elle-même peut fertiliser d’autres terres par son mélange, que celles qui sont les moins propres à la végétation sont ordinairement les plus utiles pour les arts, etc.

Il y a, comme l’on voit, une grande diversité dans les terres composées, et il se trouve aussi quelques différences dans les trois terres que nous regardons comme simples : l’argile, la craie et la terre végétale. Cette dernière terre se présente même dans deux états