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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome II, partie 3.pdf/184

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ferrugineuses ne sont que de très gros grains de mine de fer, dans lesquels on peut voir et suivre plus aisément ce procédé de la nature.

Au reste, cette formation de la mine de fer en grains, qui se fait par sécrétion dans la terre limoneuse, ne doit pas nous induire à penser qu’on puisse attribuer à cette cause la première origine de ce fer, car il existait dans le végétal et l’animal avant leur décomposition ; l’eau ne fait que rassembler les molécules du métal et les réunir sous la forme de grains ; on sait que les cendres contiennent une grande quantité de particules de fer ; c’est ce même fer contenu dans les végétaux que nous retrouvons en forme de grains dans les couches de la terre limoneuse. Le mâchefer qui, comme je l’ai prouvé, n’est que le résidu des végétaux brûlés, se convertit presque entièrement en rouille ferrugineuse ; ainsi les végétaux, soit qu’ils soient consumés par le feu ou consommés par la pourriture, rendent également à la terre une quantité de fer peut-être beaucoup plus grande que celle qu’ils en ont tirée par leurs racines, puisqu’ils reçoivent autant et plus de nourriture de l’air et de l’eau que de la terre[NdÉ 1].

Les observations, rapportées ci-dessus, démontrent en effet que les grains de la mine fer se forment dans la terre végétale par la réunion de toutes les particules ferrugineuses que l’on sait être contenues dans les détriments des végétaux et des animaux dont cette terre est composée ; mais il faut encore y ajouter tous les débris et toutes les poudres des fers usés par les frottements, dont la quantité est immense : elles se trouvent disséminées dans cette terre végétale et s’y réunissent de même en grains ; et comme rien n’est perdu dans la nature, ce fer, qui se régénère pour ainsi dire sous nos yeux, semblerait devoir augmenter la quantité de celui que nous consommons ; mais ces grains de fer, qui sont nouvellement formés dans nos terres végétales, y sont rarement en assez grande quantité pour qu’on puisse les recueillir avec profit ; il faudrait pour cela que la nature, par une seconde opération, eût séparé ces grains de fer du reste de la terre où ils ont été produits, comme elle l’a fait pour l’établissement de nos mines de fer en grains, qui presque toutes ont jadis été amenées et déposées par alluvion sur les terrains où nous les trouvons aujourd’hui.

Le fer en lui-même, et dans sa première origine, est une matière qui, comme les autres substances primitives, a été produite par le feu et se trouve en grandes masses et en roches dans plusieurs parties du globe, et particulièrement dans les pays du Nord[1] ; c’est du détriment et des exfoliations de ces premières masses ferrugineuses que proviennent originairement toutes les particules de fer répandues à la surface de la terre, et qui sont entrées dans la composition des végétaux et des animaux. C’est de même par les exsudations de ces grandes roches de fer que se sont formées, par l’intermède de l’eau, toutes les mines spathiques de ce métal, qui ne sont que des stalactites de ces masses primordiales : tous les débris des roches primitives ont été dès les premiers temps transportés et déposés avec ceux des matières vitreuses, dans toute l’étendue de la surface et des couches extérieures du globe.

Les premières terres limoneuses ayant été délayées et entraînées par les eaux, ce grand lavage aura fait la séparation de tous les grains de fer contenus dans cette terre ; le mouvement de la mer aura ensuite transporté ces grains avec les matières qui se sont trou-

  1. On connaît les grandes roches de fer qui se trouvent en Suède, en Russie et en Sibérie, et quelques voyageurs m’ont assuré que la plus grande partie du haut terrain de la Laponie n’est pour ainsi dire qu’une masse ferrugineuse.
  1. Buffon paraît commettre une erreur quand il dit que les végétaux rendent à la terre une quantité de fer plus grande que celle qu’ils ont puisée dans la terre elle-même, mais il attribue évidemment cet excédent à l’eau, car il ajoute : « Ils reçoivent autant et plus de nourriture de l’air et de l’eau que de la terre. »