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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome III.djvu/102

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Il remarque, avec raison, que la pierre de Gallinace, qu’on a nommée agate noire d’Islande, n’a aucun rapport avec les agates, et que ce n’est qu’un verre demi-transparent, une sorte d’émail qui se forme dans les volcans, et que nous pouvons même imiter en tenant de la lave à un feu violent et longtemps continué. On trouve de cette pierre de gallinace non seulement en Islande, mais dans les montagnes volcaniques du Pérou. Les anciens Péruviens la travaillaient pour en faire des miroirs qu’on a trouvés dans leurs tombeaux. Mais il ne faut pas confondre cette pierre de gallinace avec la pierre d’Incas, qui est une marcassite dont ils faisaient aussi des miroirs[1]. On rencontre de même, sur

    Voici, selon le même M. de Saint-Fond, l’ordre dans lequel on observe les laves dans une montagne non loin du château de Polignac :

    1o Basalte gris noirâtre ; 2o laves poreuses noires, dont on trouve des masses immédiatement après le basalte ; 3o laves grises et jaunâtres, poreuses, tendres et friables : première altération de cette lave, qui perd sa couleur et son adhésion ;… 4o lave très blanche, poreuse, légère, qui s’est dépouillée de son fer, et qui a passé à l’état d’argile blanche, friable et farineuse ; on y voit quelques petits morceaux moins dénaturés, qui ont conservé une teinte presque imperceptible de noir ; 5o comme le fer qui a abandonné ces laves ne s’est point perdu, les eaux l’ont déposé après ces laves blanches, et en ont formé des espèces de couches de plusieurs pouces d’épaisseur, adhérentes aux laves : ce fer est tantôt en forme de véritable hématite brune, dure, dont la surface est luisante et globuleuse ; d’autres fois il a fait des couches de fer limoneux, tendre, friable et affectant une espèce d’organisation assez constante, qui imite la contexture de certains madrépores de l’espèce des cérébrites ; enfin, le fer des laves, s’agglutinant à la matière argileuse, a formé une multitude d’œtites ou de géodes ferrugineuses de différentes formes et grosseurs, pleines d’une substance terreuse, martiale, qui résonnent et font du bruit lorsqu’on les agite : plusieurs de ces géodes ont une organisation intérieure très singulière, qui est l’ouvrage de l’eau ; 6o après ces géodes, qui sont dispersées dans les laves décomposées, on trouve une argile blanche, solide et peu liante, formée par l’eau qui a réuni les molécules des laves poreuses décomposées : ou c’est peut-être ici une lave compacte, totalement changée en argile ; 7o la couche qui vient après cette dernière est une argile verdâtre qui devient savonneuse et peut se pétrir : elle doit peut-être sa couleur aux couches d’hématite, qui se décomposent à leur tour, et viennent colorer en vert ce dernier banc d’argile qui est le plus considérable, et qui n’offre aucune régularité dans sa position et dans son site. Recherches sur les volcans éteints, etc., p. 171 et suiv.

  1. On distingue dans les guaques, ou tombeaux des Péruviens, deux sortes de miroirs de pierre, les uns de pierres d’Incas, les autres d’une pierre nommée gallinace : la première n’est pas transparente, elle est molle, de la couleur du plomb. Les miroirs de cette pierre sont ordinairement ronds, avec une de leurs surfaces plates, aussi lisses que le plus fin cristal ; l’autre est ovale, ou du moins un peu sphérique, mais moins unie. Quoiqu’ils soient de différentes grandeurs, la plupart ont trois ou quatre pouces de diamètre. M. d’Ulloa en vit un qui n’avait pas moins d’un pied et demi, dont la principale superficie était concave, grossissait beaucoup les objets, aussi polie qu’une pierre pourrait le devenir entre les mains de nos plus habiles ouvriers. Le défaut de la pierre d’Incas est d’avoir des veines et des paillettes qui la rendent facile à briser, et qui gâtent la superficie : on soupçonne qu’elle n’est qu’une composition : à la vérité, il se trouve encore dans les coulées des pierres de cette espèce, mais rien n’empêche de croire qu’on a pu les fondre pour en perfectionner la figure et la qualité.

    La pierre de gallinace est extrêmement dure, mais aussi cassante que la pierre à feu : son nom vient de sa couleur, aussi noire que celle du gallinazo. Les miroirs de cette pierre sont travaillés des deux côtés et fort bien arrondis ; leur poli ne le cède en rien à celui de la pierre d’Incas : entre ces derniers miroirs, il s’en trouve de plats, de concaves et de convexes, et fort bien travaillés. On connaît encore des carrières de cette pierre ; mais les Espagnols n’en font aucun cas, parce qu’avec de la transparence et de la dureté, cette pierre a des pailles. Histoire générale des Voyages, t. XIII, p. 577 et 578.