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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome III.djvu/104

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présente comme une terre bolaire qui happe à la langue et qui est grasse au toucher. En la regardant attentivement, on y voit beaucoup de paillettes de schorl noir, et souvent même des portions de lave qui n’ont pas encore été dénaturées et qui conservent tous les caractères de la lave ; mais ce qui prouve sa conformité de nature avec la pouzzolane, c’est qu’en prenant dans cette matière rouge celle qui est la plus liante, la plus pâteuse, on en fait un ciment avec de la chaux vive, et que dans ce ciment le liant de la terre s’évanouit, et qu’il prend consistance dans l’eau comme la plus excellente pouzzolane[1].

Les pouzzolanes ne sont donc pas des cendres, comme quelques auteurs l’ont écrit, mais de vrais détriments des laves et des autres matières volcanisées ; au reste, il me paraît que notre savant observateur assure trop généralement qu’il n’y a point de véritables cendres dans les volcans, et qu’il n’y existe absolument que la matière de la lave cuite, recuite, calcinée, réduite ou en scories graveleuses, ou en poudre fine : d’abord il me semble que, dans tout le cours de son ouvrage, l’auteur est dans l’idée que la lave se forme dans le gouffre ou foyer même du volcan, et qu’elle est projetée hors du cratère sous sa forme liquide et coulante ; tandis qu’au contraire la lave ne se forme que dans les éminences ou monceaux de matières ardentes rejetées et accumulées, soit au-dessus du cratère[2], comme dans le Vésuve, soit à quelque distance des bouches d’éruption, comme dans l’Etna ; la lave ne se forme donc que par une vitrification postérieure à l’éjection, et cette vitrification ne se fait que dans les monceaux de matières rejetées ; elle ne sort que du pied de ces éminences ou monceaux, et dès lors cette matière vitrifiée ne contient en effet point de cendres ; mais les monceaux eux-mêmes en contenaient en très grande quantité, et ce sont ces cendres qui ont servi de fondant pour former le verre de toutes les laves. Ces cendres sont lancées hors du gouffre des volcans, et proviennent des substances combustibles qui servent d’aliment à leur feu ; les pyrites, les bitumes et les charbons de terre, tous les résidus des végétaux et animaux étant les seules matières qui puissent entretenir le feu, il est de toute nécessité qu’elles se réduisent en cendres dans le foyer même du volcan, et qu’elles suivent le torrent de ses projections : aussi plusieurs observateurs, témoins oculaires des éruptions des volcans, ont très bien reconnu les cendres projetées, et quelquefois emportées fort loin par les vents ; et si, comme le dit M. de Saint-Fond, l’on ne trouve pas de cendres autour des anciens volcans éteints, c’est uniquement parce qu’elles ont changé de nature par le laps de temps, et par l’action des éléments humides.

Nous ajouterons encore ici quelques observations de M. de Saint-Fond, au sujet de la formation des pouzzolanes. Les laves poreuses se réduisent en sable et en poussière ; les matières qui ont subi une forte calcination sans se fondre deviennent friables et forment une excellente pouzzolane. La couleur en est jaunâtre, grise, noire ou rougeâtre, en raison des différentes altérations qu’a éprouvées la matière ferrugineuse qu’elles contiennent[3],

  1. Idem, p. 180.
  2. Voyez, dans le volume II, l’article qui a rapport aux basaltes et aux laves.
  3. « L’air et l’humidité attaquent la surface des laves les plus dures : les fumées acides, sulfureuses qui s’élèvent dans les terrains volcanisés, les pénètrent, les attendrissent, et changent leur couleur noire en rouge, et les convertissent en pouzzolane ocreuse… Le basalte lui-même le plus compact et le plus dur se convertit en une pouzzolane rouge ou grise, douce au toucher, et d’une très bonne qualité ; j’ai observé, dit-il, dans le Vivarais, des bancs entiers de basalte converti en pouzzolane rouge : ces bancs, ainsi décomposes, étaient recouverts par d’autres bancs intacts et sains, d’un basalte dur et noir… On trouve dans la montagne de Chenavasi, en Vivarais, le basalte décomposé attenant encore au basalte sain, et on peut y suivre la dégradation de sa décomposition. » Recherches sur les volcans éteints, etc., p. 206.

    À l’égard de la substance même des laves en général, M. de Saint-Fond pense « qu’elles ont pour base une matière quartzeuse ou vitrifiable unie avec beaucoup de fer, et que leur