Aller au contenu

Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome III.djvu/117

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

L’Islande est peut-être la contrée de l’univers où il y en a le plus[1], parce que cette île n’est pour ainsi dire qu’un faisceau de volcans. Le soufre des volcans de Kamtschatka[2], celui du Japon[3], de Ceylan[4], de Mindanao[5], de l’île Java, à l’entrée du golfe Per-

  1. Anderson assure que le terrain de l’Islande est de soufre jusqu’à six pouces de profondeur ; cela ne peut être vrai que de quelques endroits ; mais il est certain que le soufre y est généralement fort abondant, car les districts de Huscoin et de Kriscvig en fournissent considérablement, soit sur la pente des montagnes, soit en différents endroits de la plaine. On peut charger dans une heure de temps quatre-vingts chevaux d’un soufre naturel, en supposant chaque charge de cent quatre-vingt-douze livres, ce qui fait quinze mille fois cent soixante livres. La terre qui couvre ce soufre est stérile, sèche et chaude ; elle est composée de sable, de limon et de gravier de différentes couleurs, blanc, rouge, jaune et bleu. On connaît les endroits où il y a du soufre par une élévation en dos d’âne, qui paraît sur la terre, et qui a des crevasses dans le milieu, d’où il sort une chaleur beaucoup plus forte que des autres endroits ; on ne fait qu’ôter la superficie de la terre, et on trouve dans le milieu le soufre en morceaux, pur, beau et assez ressemblant au sucre candi : il faut le casser pour le détacher du fond. On peut fouiller jusqu’à la profondeur de deux ou trois pieds ; mais la chaleur devient alors trop forte et le travail trop pénible : plus on s’écarte du milieu de cette veine, plus les morceaux de soufre deviennent rares et petits, jusqu’à ce qu’ils ne soient plus que comme du gravier. On ramasse ce soufre avec des pelles, et il est d’une qualité un peu inférieure à l’autre : ce n’est que dans les nuits claires de l’été que l’on y travaille, la chaleur du soleil incommoderait trop les ouvriers ; ils sont même obligés d’envelopper leurs souliers de quelques gros morceaux de vieux drap pour en garantir les semelles.

    Depuis 1722 jusqu’en 1728, on a tiré une grande quantité de soufre de ces deux endroits ; mais celui qui avait obtenu le privilège pour ce commerce étant mort, personne ne l’a continué : d’ailleurs les Islandais ne se livrent pas volontiers à ces travaux, qui leur ôtent le temps dont ils n’ont pas trop pour leurs pêches. Extrait des Mémoires de Horrebows sur l’Islande, dans le Journal étranger, mois d’avril 1758, et de ceux d’Anderson, dans la Bibliothèque raisonnée, mois de mars 1747.

  2. Les montagnes entre lesquelles coule la rivière d’Osernajo, qui sort du lac de Kurilly, renferment des marcassites cuivreuses, du soufre vierge transparent, de la mine de soufre dans une terre crayeuse… Vers le milieu du cours de cette rivière, sont deux volcans qui étaient encore enflammés en 1743, et vers sa source est une montagne blanchâtre, coupée à pic et formée de pierres blanches, semblables à des canots dressés perpendiculairement à côté les uns des autres…

    Le soufre vierge se trouve autour de Cambalinos, à Lopatka et à la montagne de Kronotzkoi, mais en plus grande quantité, et la plupart à la baie d’Olutor, où il suinte tout transparent comme celui de Casan, hors d’un rocher ; les morceaux n’ont pas au-dessus de la grosseur d’un pouce : on en trouve partout dans les cailloux près de la mer ; en général, il y en a dans tous les endroits où il y avait autrefois des sources chaudes. Journal de Physique, mois de juillet 1781, p. 40 et 41.

  3. Le soufre vient principalement de la province de Satzuma, où on le tire d’une petite île voisine, qui en produit une si grande quantité, qu’on l’appelle l’île du soufre : il n’y a pas plus de cent ans qu’on s’est hasardé d’y aller… On n’y trouva ni enfer ni diable (comme le peuple le croyait), mais un grand terrain plat qui était tellement couvert de soufre, que, de quelque côté qu’on marchât, une épaisse fumée sortait de dessous les pieds : depuis ce temps-là, cette île rapporte au prince de Satzuma environ vingt caisses d’argent par an, du soufre qu’on y tire de la terre… Le pays de Sinabarra, particulièrement aux environs des bains chauds, produit aussi d’excellent soufre ; mais les habitants n’osent pas le tirer de la terre, de peur d’offenser le génie tutélaire du lieu. Histoire naturelle et civile du Japon, par Kæmpfer ; La Haye, 1729, t. Ier, p. 92.
  4. Dans l’île de Ceylan, il y a du soufre, mais le roi défend qu’on le tire des mines. Histoire générale des Voyages, t. VIII, p. 549.
  5. Les volcans de l’île de Mindanao, l’une des Philippines, donnent beaucoup de soufre, surtout celui de Sauxil. Idem, t. X, p. 399.