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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome III.djvu/12

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seulement dans la substance du charbon, mais encore dans les terres et les schistes dont ils sont environnés ; il est donc évident que tous les charbons de terre tirent leur origine du détriment des végétaux.

De même, on ne peut pas nier que le charbon de terre ne contienne du bitume, puisqu’il en répand l’odeur et l’épaisse fumée au moment qu’on le brûle ; or le bitume n’étant que de l’huile végétale ou de la graisse animale imprégnée d’acide[NdÉ 1], la substance entière du charbon de terre n’est donc formée que de la réunion des débris solides et de l’huile liquide des végétaux, qui se sont ensuite durcis par le mélange des acides. Cette vérité, fondée sur ces faits particuliers, se prouve encore par le principe général qu’aucune substance dans la nature n’est combustible qu’en raison de la quantité de matière végétale ou animale qu’elle contient[NdÉ 2], puisque avant la naissance des animaux et des végétaux, la terre entière a non seulement été brûlée, mais fondue et liquéfiée par le feu ; en sorte que toute matière purement brute ne peut brûler une seconde fois.

Et l’on aurait tort de confondre ici le soufre avec les bitumes, par la raison qu’ils se trouvent souvent ensemble dans le charbon de terre : le soufre ne provient que de la combustion des pyrites formées elles-mêmes de l’acide et du feu fixe contenus dans les substances organisées, au lieu que les bitumes ne sont que leurs huiles grossières imprégnées d’acide : aussi les bitumes ne contiennent point de soufre, et les soufres ne contiennent point de bitume ; ces deux combinaisons opposées, dans des matières qui toutes deux proviennent du détriment des corps organisés, indiquent assez que les moyens employés par la nature pour les former sont différents l’un de l’autre, puisque ces deux produits ne se réunissent ni ne se rencontrent ensemble. En effet, le soufre est formé par l’action du feu, et le bitume par celle de l’acide sur l’huile ; le soufre se produit par la combinaison du feu fixe[1] contenu dans les substances organisées lorsqu’il est saisi par l’acide vitriolique ; les bitumes, au contraire, ne sont que les huiles mêmes des végétaux décomposés par l’eau et mêlés avec les acides : aussi l’odeur du soufre et celle du bitume sont-elles très différentes dans la combustion ; et l’un des plus grands défauts que puisse avoir le charbon de terre, surtout pour les usages de la métallurgie, c’est d’être trop mêlé de matière pyriteuse, parce que, dans la combustion, les pyrites donnent une grande quantité de soufre ; l’excellente qualité du charbon vient au contraire de la pureté de la matière végétale et de l’intimité de son union avec le bitume[2] ; néanmoins les charbons trop

    dont les têtes sont composées de bois fossiles : « Nous avons trouvé, dit-il, près le moulin de Puziols (diocèse de Narbonne), deux veines de charbon de terre, dont les têtes renferment beaucoup de bois fossiles semblables à ceux des Cazarets près de Saint-Jean-de-Coucules, diocèse de Montpellier. » Histoire naturelle du Languedoc, t. II, p. 177.

  1. Si l’on objecte qu’il se produit du soufre non seulement par le feu, mais sans feu, et par ce que l’on appelle la voie humide, comme dans les voiries et les fosses d’aisances, je répondrai que ce passage ou changement ne se fait que par une effervescence accompagnée d’une chaleur qui fait ici le même effet que le feu.
  2. « Les charbons de terre brûlent d’autant plus longtemps qu’ils prennent difficilement le feu ; ils se consument d’autant plus promptement qu’ils s’enflamment plus aisément ; ces circonstances sont plus ou moins marquées, selon que les charbons sont purs, bitumineux
  1. Les bitumes sont des substances très complexes provenant de la décomposition de matières organiques très diverses ; ils contiennent principalement des carbures d’hydrogène et des produits oxydés et azotés.
  2. Buffon entend ici très probablement par le mot « brûler » le phénomène dans lequel le feu détruit ou du moins décompose en éléments de nature très simples les corps matériels. Ce qu’il dit plus loin du soufre indique bien que c’est ainsi qu’il faut entendre tout ce passage. Il est, du reste, presque inutile de dire que toute la partie chimique de son œuvre contient des erreurs considérables qu’il serait trop long et inutile de relever.