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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome III.djvu/197

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BORAX.


que l’alun, mais il s’y liquéfie et s’y calcine de même ; enfin il se convertit en une sorte de verre salin, qu’on préfère au borax même dans plusieurs usages, parce qu’étant dépouillé de toute humidité, il n’est point sujet à se boursoufler : ce verre de borax n’est ni dur ni dense, et il participe moins des qualités du verre que de celles du sel ; il se décompose à l’air, y devient farineux ; il se dissout dans l’eau, et donne par l’évaporation des cristaux tout semblables à ceux du borax ; ainsi ce sel, en se vitrifiant, loin de se dénaturer, ne fait que s’épurer davantage et acquérir des propriétés plus actives, car ce verre de borax est le plus puissant de tous les fondants, et lorsqu’on le mêle avec des terres de quelque qualité qu’elles soient, il les convertit toutes en verres solides et plus ou moins transparents, suivant la nature de ces terres.

Tout ceci paraît déjà nous indiquer que le borax contient une grande quantité d’alcali, et cela se prouve encore par l’effet des acides sur ce sel ; ils s’emparent de son alcali et forment des sels tout semblables à ceux qu’ils produisent en se combinant avec l’alcali minéral ou marin, et non seulement on peut enlever au borax son alcali par les acides vitriolique, nitreux et marin, mais aussi par les acides végétaux[1] ; ainsi la présence de l’alcali fixe dans le borax est parfaitement démontrée ; mais ce n’est cependant pas cet alcali seul qui constitue son essence saline, car, après en avoir séparé par les acides cet alcali, il reste un sel qui n’est lui-même ni acide ni alcali, et qu’on ne sait comment définir : M. Homberg, de l’Académie des sciences, est le premier qui en ait parlé ; il l’a nommé sel sédatif[NdÉ 1], et ce nom n’a rapport qu’à quelques propriétés calmantes que cet habile chimiste a cru lui reconnaître, mais on ignore encore quel est le principe salin de ce sel singulier ; et, comme sur les choses incertaines il est permis de faire des conjectures, et que j’ai ci-devant réduit tous les sels simples à trois sortes, savoir : les acides, les alcalis et les arsenicaux, il me semble qu’on peut soupçonner avec fondement que le sel sédatif a l’arsenic pour principe salin.

D’abord, il paraît certain que ce sel existe tout formé dans le borax et qu’il y est uni avec l’alcali, dont les acides ne font que le dégager, puisqu’en le combinant de nouveau avec l’alcali on en refait du borax. 2o Le sel sédatif n’est point un acide, et cependant il semble suppléer l’acide dans le borax, puisqu’il y est uni avec l’alcali : or, il n’y a dans la nature que l’arsenic qui puisse faire fonction d’acide avec les substances alcalines. 3o On obtient le sel sédatif du borax par sublimation, il s’élève et s’attache au haut des vaisseaux clos en filets déliés ou en lames minces, légères et brillantes, et c’est sous cette forme qu’on conserve ce sel. On peut aussi le retirer du borax par la simple cristallisation ; il paraît être aussi pur que celui qu’on obtient par la sublimation, car il est également brillant et aussi beau, il est seulement plus pesant, quoique toujours très léger ; et l’on ne peut s’empêcher d’admirer la légèreté de ce sel obtenu par sublimation : un gros, dit M. Macquer, suffit pour emplir un assez grand bocal. 4o C’est toujours par le moyen des acides qu’on retire le sel sédatif du borax, soit par sublimation ou par cristallisation ; et M. Baron, habile chimiste, de l’Académie des sciences, a bien prouvé qu’il ne se forme pas, comme on pourrait l’imaginer, par la combinaison actuelle de l’alcali avec les acides dont on se sert pour le retirer du borax : ainsi ce sel n’est certainement point un acide connu. 5o Les chimistes ont regardé ce sel comme simple, parce qu’il ne leur a pas été possible de le décomposer : il a résisté à toutes les épreuves qu’ils ont pu tenter, et il a conservé son essence sans altération. 6o Ce sel est non seulement le plus puissant fondant des substances terreuses, mais il produit le même effet sur les matières métalliques.

  1. Voyez, sur ce sujet, les travaux de MM. Lémery, Geoffroy et Baron, dans les Mémoires de l’Académie des sciences.
  1. Acide borique.