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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome III.djvu/203

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La substance du fer de nature n’a donc jamais été pure, et dès le temps de la consolidation du globe, ce métal s’est mêlé avec la matière vitreuse, et s’est établi en grandes masses dans plusieurs endroits à la surface, et jusqu’à une petite profondeur dans l’intérieur de la terre. Au reste, ces grandes masses ou roches ferrugineuses ne sont pas également riches en métal : quelques-unes donnent soixante-dix ou soixante-douze pour cent de fer en fonte, tandis que d’autres n’en donnent pas quarante ; et l’on sait que cette fonte de fer, qui résulte de la fusion des mines, n’est pas encore du métal, puisque avant de devenir fer, elle perd au moins un quart de sa masse par le travail de l’affinerie ; on est donc assuré que les mines de fer en roche les plus riches ne contiennent guère qu’une moitié de fer, et que l’autre moitié de leur masse est de matière vitreuse ; on peut même le reconnaître en soumettant ces mines à l’action des acides qui en dissolvent le fer et laissent intacte la substance vitreuse.

D’ailleurs ces roches de fer, que l’on doit regarder comme les mines primordiales de ce métal dans son état de nature, sont toutes attirables à l’aimant[1], preuve évidente qu’elles ont été produites par l’action du feu, et qu’elles ne sont qu’une espèce de fonte impure de fer, mélangée d’une plus ou moins grande quantité de matière vitreuse ; nos mines de fer en grain, en ocre ou en rouille, quoique provenant originairement des détriments de ces roches primitives, mais ayant été formées postérieurement par l’intermède de l’eau, ne sont point attirables à l’aimant, à moins qu’on ne leur fasse subir une forte impression du feu à l’air libre[2]. Ainsi la propriété d’être attirable à l’aimant appartenant uniquement aux mines de fer qui ont passé par le feu, on ne peut guère se refuser à croire que ces énormes rochers de fer attirables à l’aimant n’aient en effet subi la violente action du feu dont ils portent encore l’empreinte, et qu’ils n’aient été produits dans le temps de la dernière incandescence et de la première condensation du globe.

Les masses de l’aimant ne paraissent différer des autres roches de fer qu’en ce qu’elles ont été exposées aux impressions de l’électricité de l’atmosphère, et qu’elles ont en même temps éprouvé une plus grande ou plus longue action du feu qui les a rendues magnéti-

    que l’on observe dans les ateliers où on fond en grand le métal pour les monnaies. Il y a entre autres un gros morceau de cette mine d’argent de Huantafaya qui présente une cristallisation de soufre, ce qui prouve qu’il a été formé par le feu d’un volcan. (Extrait d’une lettre de M. Dombey, correspondant du Cabinet d’Histoire naturelle, à M. de Buffon, datée de Lima, le 2 novembre 1781.)

  1. Comme toutes les mines de Suède sont très attirables à l’aimant, on se sert de la boussole pour les trouver : cette méthode est fort en usage, et elle est assez sûre, quoique les mines de fer soient souvent enfouies à plusieurs toises de profondeur (voyez les Voyages métallurgiques de M. Jars, t. Ier). Mais elle serait inutile pour la recherche de la plupart de nos mines de fer en grain, dont la formation est due à l’action de l’eau, et qui ne sont point attirables à l’aimant avant d’avoir subi l’action du feu.
  2. Les mines de fer en grain ne sont en général point attirables à l’aimant ; il faut, pour qu’elles le deviennent, les faire griller à un feu assez vif et à l’air libre ; j’en ai fait l’expérience sur la mine de Villers près Montbard, qui se trouve en sacs, entre des rochers calcaires, et qui est en grains assez gros ; ayant fait griller une once de cette mine à feu ouvert, et l’ayant fait broyer et réduire en poudre, l’aimant en a tiré six gros et demi ; mais, ayant fait mettre une pareille quantité de cette mine dans un creuset couvert et bien bouché, qu’on a fait rougir à blanc, et ayant ensuite écrasé cette mine ainsi grillée au moyen d’un marteau, l’aimant n’en a tiré aucune partie de fer, tandis que dans un autre creuset mis au feu en même temps, et qui n’était pas bouché, cette même mine, réduite ensuite en poudre par le marteau, s’est trouvée aussi attirable par l’aimant que la première. Cette expérience m’a démontré que le feu seul ou le feu fixe ne suffit pas pour rendre la mine de fer attirable à l’aimant, et qu’il est nécessaire que le feu soit libre et animé par l’air pour produire cet effet.