Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome III.djvu/213

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matites[1], parce qu’il s’en trouve souvent qui sont d’un rouge couleur de sang : ces hématites cristallisées doivent être considérées comme des stalactites des mines de fer sous lesquelles elles se trouvent ; elles sont quelquefois étendues en lits horizontaux d’une assez grande épaisseur, sous des couches beaucoup plus épaisses de mines en rouille ou en ocre[2] ; et l’on voit évidemment que ces hématites sont produites par la stillation d’une eau chargée de molécules ferrugineuses qu’elle a détachées en passant à travers cette grande épaisseur d’ocre ou de rouille. Au reste, toutes les hématites ne sont pas rouges : il y en a de brunes et même de couleur plus foncée[3] ; mais, lorsqu’on les réduit en poudre, elles prennent toutes une couleur d’un rouge plus ou moins vif, et l’on peut les considérer en général comme l’un des derniers produits de la décomposition du fer par l’intermède de l’eau.

Les hématites, les mines spathiques et autres concrétions ferrugineuses, de quelques substances qu’elles soient mêlées, ne doivent pas être confondues avec les mines du fer primordial ; elles ne sont que de seconde ou de troisième formation : les premières roches de fer ont été produites par le feu primitif, et sont toutes intimement mélangées de matières vitreuses ; les détriments de ces premières roches ont formé les rouilles et les ocres que le mouvement des eaux a transportées sur toutes les parties du globe ; les particules plus ténues de ces rouilles ferrugineuses ont été pompées par les végétaux, et sont entrées

  1. L’hématite peut être regardée comme une chaux de fer, mais toujours cristallisée ; cette cristallisation est en aiguilles ou en rayons, souvent divergents, et qui paraissent tendre du centre à la circonférence. On distingue trois sortes de mines de fer en hématites : l’une cristallisée et striée comme le cinabre, une autre grenue et compacte, une troisième en masse homogène et lisse ; c’est de cette dernière, qu’on appelle sanguine, que se servent les dessinateurs ; celle qu’on nomme brouillamini n’est qu’un bol ferrugineux, durci par le dessèchement à l’air. (Note communiquée par M. de Grignon.)
  2. Je crois qu’on doit rapporter à ces couches d’hématites en grandes masses la mine de fer qui se tire à Rouez, dans le Maine, et de laquelle M. de Burbure m’a envoyé la description suivante : « Cette mine, située à cinq quarts de lieues de Sillé-le-Guillaume, est très riche ; elle est dans une terre ocreuse qui a plus de trente pieds d’épaisseur ; il part de la partie inférieure de cette mine plusieurs filons qui, en s’enfonçant, vont aboutir à de gros blocs isolés de mines de fer ; ces blocs se rencontrent à vingt ou vingt-six pieds de profondeur, et sont composés de particules ferrugineuses qui paraissent être sans mélange ; ils ont aussi des ramifications qui, en se prolongeant, vont se joindre à d’autres masses de mines de fer, moins pures que ces premiers blocs, parce qu’elles renferment dans l’intérieur de petites pierres qui y sont incorporées et intimement unies ; néanmoins les forgerons leur trouvent une sorte de mérite qui les font préférer aux autres masses ferrugineuses plus homogènes, car, si elles renferment moins de fer, elles ont l’avantage de se fondre plus aisément, à cause des pierres qu’elles renferment, et qui en facilitent la fusion. » Note communiquée par M. de Burbure, lieutenant de la maréchaussée à Sillé-le-Guillaume. — C’est à cette même sorte de mine que l’on peut rapporter celles auxquelles on donne le nom de mines tapées, qui sont des mines de concrétions en masses et couches, et qui gisent souvent sous les mines en ocre ou en rouille, et qui, quoique en grands morceaux, sont ordinairement plus riches en métal ; la plupart sont spathiques ou mélangées de matières calcaires. (Note communiquée par M. de Grignon.)
  3. Entre les pierres ferrugineuses noires de ce canton, je ne vis, dit M. Bowles, aucune hématite rouge ; et ce qu’il y a de singulier, c’est qu’à une demie lieue de là on en trouve beaucoup de rouges et point de noires… On voit dans les mines de fer de la Biscaye des hématites qui sont enchâssées dans les creux des veines, et qui sont singulières par leurs différentes formes et grosseurs : on en trouve qui sont grosses comme la tête d’un homme… D’autres sont plates comme des rognons de bœuf… Il y en a qui sont jaunes et rouges en dedans… Ces hématites sont très pesantes et contiennent beaucoup de fer, mais souvent c’est un fer aigre et intraitable. Histoire naturelle d’Espagne, par M. Bowles, p. 69 et 334.