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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome III.djvu/231

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vaut donc mieux fondre seules les mines, de quelque nature qu’elles soient, que de les mêler avec d’autres qui seraient de qualités très différentes ; mais, comme les mines en grains sont à peu près de la même nature, la plus ou moins grande fusibilité de ces mines ne vient pas de la différente qualité des grains, et ne provient que de la nature des terres et des sables qui y sont mêlés ; si ce sable est calcaire, la fonte sera facile ; s’il est vitreux ou argileux, elle sera plus difficile : on doit corriger l’une par l’autre lorsque l’on veut mélanger ces mines au fourneau ; quelques essais suffisent pour reconnaître la quantité qu’il faut ajouter de l’une pour rendre l’autre plus fusible ; en général, le mélange de la matière calcaire à la matière vitreuse les rend bien plus fusibles qu’elles ne le seraient séparément.

Dans les mines en roche ou en masse, ces essais sont plus faciles ; il ne s’agit que de trouver celles qui peuvent servir de fondant aux autres : il faut briser cette mine massive en morceaux d’autant plus petits qu’elle est plus réfractaire ; au reste, les mines de fer qui contiennent du cuivre doivent être rejetées, car elles ne donneraient que du fer très cassant.

La conduite du fourneau demande tout autant et peut-être encore plus d’attention que la préparation de la mine : après avoir laissé le fourneau s’échauffer lentement pendant trois ou quatre jours, en imposant successivement sur le charbon une petite quantité de mine (environ cent livres pesant), on met en jeu les soufflets en ne leur donnant d’abord qu’un mouvement assez lent (de quatre ou cinq foulées par minute) ; on commence alors à augmenter la quantité de la mine, et l’on en met pendant les deux premiers jours deux ou trois mesures (d’environ soixante livres chacune), sur six mesures de charbon (d’environ quarante livres pesant), à chaque charge que l’on impose au fourneau, ce qui ne se fait que quand les charbons enflammés dont il est plein ont baissé d’environ trois pieds et demi. Cette quantité de charbon qu’on impose à chaque charge étant toujours la même, on augmentera graduellement celle de la mine d’une demi-mesure le troisième jour, et d’autant chaque jour suivant, en sorte qu’au bout de huit ou neuf jours on imposera la charge complète de six mesures de mine sur six mesures de charbon ; mais il vaut mieux, dans le commencement, se tenir au-dessous de cette proportion que de se mettre au-dessus.

On doit avoir l’attention d’accélérer la vitesse des soufflets en même proportion à peu près qu’on augmente la quantité de mine, et l’on pourra porter cette vitesse jusqu’à dix coups par minute, en leur supposant trente pouces de foulée, et jusqu’à douze coups si la foulée n’est que de vingt-quatre ou vingt-cinq pouces ; le régime du feu dépend de la conduite du vent, et de tous deux dépendent la célérité du travail et la fusion plus ou moins parfaite de la mine : aussi, dans un fourneau bien construit, tout doit-il être en juste proportion ; la grandeur des soufflets, la largeur de l’orifice de leurs buses, doivent être réglées sur la capacité du fourneau ; une trop petite quantité d’air ferait languir le feu, une trop grande le rendrait trop vif et dévorant ; la fusion de la mine ne se ferait, dans le premier cas, que très lentement et imparfaitement, et dans le second, la mine n’aurait pas le temps de se liquéfier, elle brûlerait en partie au lieu de se fondre en entier.

On jugera du résultat de tous ces effets combinés par la qualité de la matte ou fonte de fer que l’on obtiendra : on peut couler toutes les neuf à dix heures ; mais on fera mieux de mettre deux ou trois heures de plus entre chaque coulée ; la mine en fusion tombe comme une pluie de feu dans le creuset, où elle se tient en bain, et se purifie d’autant plus qu’elle y séjourne plus de temps ; les scories vitrifiées des matières étrangères dont elle était mêlée surnagent le métal fondu et le défendent en même temps de la trop vive action du feu, qui ne manquerait pas d’en calciner la surface ; mais, comme la quantité de ces scories est toujours très considérable, et que leur volume boursouflé s’élèverait à trop de hauteur dans le creuset, on a soin de laisser couler et même de tirer cette ma-