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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome III.djvu/244

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accéléré, pour étendre cette pièce de fer en une barre ou bande qu’on ne peut achever que par une troisième, quatrième et quelquefois une cinquième chaude. Cette percussion du marteau purifie la fonte en faisant sortir au dehors les matières étrangères dont elle était encore mêlée, et elle rapproche en même temps, par une forte compression, toutes les parties du métal qui, quand il est pur et bien traité, se présente en fibres nerveuses toutes dirigées dans le sens de la longueur de la barre, mais qui n’offre au contraire que de gros grains ou des lames à facettes lorsqu’il n’a pas été assez épuré, soit au fourneau de fusion, soit au foyer de l’affinerie ; et c’est par ces caractères très simples que l’on peut toujours distinguer les bons fers des mauvais en les faisant casser : ceux-ci se brisent au premier coup de masse, tandis qu’il en faut plus de cent pour casser une pareille bande de fer nerveux, et que souvent même il faut l’entamer avec un ciseau d’acier pour la rompre.

Le fer, une fois forgé, devient d’autant plus difficile à refondre qu’il est plus pur et en plus gros volume ; car on peut assez aisément faire fondre les vieilles ferrailles réduites en plaques minces ou en petits morceaux ; il en est de même de la limaille ou des écailles de fer[1] ; on peut en faire d’excellent fer, soit pour le tirer en fil d’archal, soit pour en faire

  1. On met dans le foyer de l’affinerie un lit de charbon et de ferraille alternativement, et, lorsque le creuset de l’affinerie est plein, on le recouvre d’une forte quantité de charbons : on met le feu au charbon et l’on donne une grande vitesse aux soufflets ; on remet du nouveau charbon à mesure qu’il s’affaisse ; on y mêle d’autres ferrailles, et l’on continue ainsi jusqu’à ce que le creuset contienne une loupe d’environ quatre-vingts livres. Il n’est pas nécessaire de remuer et travailler cette loupe aussi souvent que celle qui provient de la gueuse ; mais il faut jeter des scories dans le creuset et entretenir un bain pour empêcher le fer de brûler ; il faut aussi modérer la vivacité de la flamme en jetant de l’eau dessus, ce qui concentre la chaleur dans le foyer ; la loupe étant formée, on arrête le vent et on la tire du creuset : elle est d’un rouge blanc très vif ; on la porte sous le marteau pour en faire d’abord un bloc de quelques pouces de longueur, après quoi on la remet au feu, et on fait une barre par une seconde ou troisième chaude. Le déchet, tant au feu qu’au marteau, est d’un quart environ.

    Il y a quelque choix à faire dans les vieilles ferrailles ; les clous à latte ne sont pas bons à être refondus ; toutes les ferrailles plates ou torses sont bonnes ; les fers qui résultent des ferrailles refondues sont très ductiles et très bons ; on en fait des canons de fusil ; tout l’art consiste à bien souder ce fer, en lui donnant le juste degré de feu nécessaire. Les écailles qui se lèvent et se séparent de ce fer sont elles-mêmes du bon fer, qu’on peut encore refondre et souder ensemble et avec l’autre fer ; il faut seulement les mêler avec une égale quantité de ferrailles plus solides, pour les empêcher de s’éparpiller dans le feu. La limaille de fer humectée prend corps et devient en peu de jours une masse dure qu’on brise en morceaux gros comme des noix, et, en les mêlant avec d’autres vieilles ferrailles, elles donnent de très bon fer.

    Qu’on prenne une barre de fer large de deux à trois pouces, épaisse de deux à trois lignes, qu’on la chauffe au rouge, et qu’avec la panne du marteau on y pratique, dans sa longueur, une cannelure ou cavité, qu’on la plie sur elle-même pour la doubler ou corroyer, l’on remplira ensuite la cannelure des écailles ou paillettes en question ; on lui donnera une chaude douce d’abord en rabattant les bords, pour empêcher qu’elles ne s’échappent, et on battra la barre comme on le pratique pour corroyer le fer, avant de la chauffer à blanc ; on la chauffera ensuite blanche et fondante, et la pièce soudera à merveille ; on la cassera à froid, et l’on n’y verra rien qui annonce que la soudure n’ait pas été complète et parfaite, et que toutes les parties de fer ne se soient pas pénétrées réciproquement, sans laisser aucun espace vide. J’ai fait cette expérience aisée à répéter, qui doit rassurer sur les pailles, soit qu’elles soient plates ou qu’elles aient la forme d’aiguille, puisqu’elles ne sont autre chose que du fer, comme la barre avec laquelle on les incorpore et où elles ne forment plus qu’un même corps avec elle.

    J’ai fait nettoyer avec soin le creuset d’une grosse forge, et l’ayant rempli de charbon de bois, et donné l’eau aux soufflets, j’ai, lorsque le feu a été vif, fait jeter par-dessus de ces