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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome III.djvu/253

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jugera que la conversion est achevée, on laissera refroidir le fourneau ; après quoi, on fera une ouverture vis-à-vis le dessus de la caisse, et on en tirera les bandes de fer qu’on y avait mises, et qui dès lors seront converties en acier.

En comparant ces bandes les unes avec les autres, j’ai remarqué : 1o que celles qui étaient de bon fer épuré avaient perdu toute apparence de nerf, et présentaient à leur cassure un grain très fin d’acier, tandis que les bandes de fer commun conservaient encore de leur étoffe de fer, ou ne présentaient qu’un acier à gros grains ; 2o qu’il y avait à l’extérieur beaucoup plus et de plus grandes boursouflures sur les bandes de fer commun que sur celles de bon fer ; 3o que les bandes voisines des parois de la caisse n’étaient pas si bien converties en acier que les bandes situées au milieu de la caisse, et que de même les extrémités de toutes les bandes étaient de moins bon acier que les parties du milieu.

Le fer, dans cet état, au sortir de la caisse de cémentation, s’appelle de l’acier boursouflé ; il faut ensuite le chauffer très doucement, et ne lui donner qu’un rouge couleur de cerise pour le porter sous le martinet et l’étendre en petits barreaux ; car, pour peu qu’on le chauffe un peu trop, il s’éparpille et l’on ne peut le forger : il y a aussi des précautions à prendre pour le tremper ; mais j’excéderais les bornes que je me suis prescrites dans mes ouvrages sur l’histoire naturelle, si j’entrais dans de plus grands détails sur les différents arts du travail du fer ; peut-être même trouvera-t-on que je me suis déjà trop étendu sur l’objet du fer en particulier : je me bornerai donc aux inductions que l’on peut tirer de ce qui vient d’être dit.

Il me semble qu’on pourrait juger de la bonne ou mauvaise qualité du fer par l’effet de la cémentation ; on sait que le fer le plus pur est aussi le plus dense, et que le bon acier l’est encore plus que le meilleur fer ; ainsi l’acier doit être regardé comme du fer encore plus pur que le meilleur fer : l’un et l’autre ne sont que le même métal dans deux états différents, et l’acier est pour ainsi dire un fer plus métallique que le simple fer ; il est certainement plus pesant, plus magnétique, d’une couleur plus foncée, d’un grain beaucoup plus fin et plus serré, et il devient à la trempe bien plus dur que le fer trempé ; il prend aussi le poli le plus vif et le plus beau : cependant, malgré toutes ces différences, on peut ramener l’acier à son premier état de fer par des céments d’une qualité contraire à celle des céments dont on s’est servi pour le convertir en acier, c’est-à-dire en se servant de matières absorbantes, telles que les substances calcaires, au lieu de matières inflammables, telle que la poudre de charbon dont on s’est servi pour le cémenter.

Mais, dans cette conversion du fer en acier, quels sont les éléments qui causent ce changement et quelles sont les substances qui peuvent le subir ? indépendamment des matières vitreuses, qui sans doute restent dans le fer en petite quantité, ne contient-il pas aussi des particules de zinc et d’autres matières hétérogènes[1] ? Le feu doit détruire ces molécules de zinc, ainsi que celles des matières vitreuses pendant la cémentation, et par conséquent, elle doit achever de purifier le fer ; mais il y a quelque chose de plus, car, si le fer, dans cette opération qui change sa qualité, ne faisait que perdre sans rien acquérir, s’il

  1. Le zinc contenu dans les mines de fer ne se montre pas seulement dans la cadmie qui se sublime dans l’intérieur du foyer supérieur du fourneau de fonderie, mais encore la chapelle, la poitrine, les marâtres et le gueulard du fourneau sont enduits d’une poudre sous diverses couleurs, qui n’est que de la tutie ou du pompholix ; tout le zinc ne se sépare pas du minéral dans la fusion ; il en reste encore une partie considérable, combinée avec le fer dans la fonte, ce que j’ai prouvé en démontrant le zinc contenu dans les grappes qui se subliment et s’attachent à la mérade des affineries… J’en ai aussi reconnu dans les travaux que j’ai visités en Champagne, Bourgogne, Franche-Comté, Alsace, Lorraine et Luxembourg, et j’ai appris depuis que l’on en trouve dans plusieurs autres provinces ; d’où l’on peut inférer que le zinc est un demi-métal ami du fer, et qu’il entre peut-être dans sa composition. Mémoires de Physique, par M. de Grignon, p. 18 et 19 de la préface.