Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome III.djvu/288

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’une grande étendue, et l’on assure qu’on y travaille depuis plus de mille ans ; on l’a fouillée dans plusieurs endroits à plus de cent soixante brasses de profondeur. Il y a aussi des mines d’or en Transylvanie, dans lesquelles on a trouvé de l’or vierge[1]. Rzaczynski parle des mines des monts Krapacks, et entre autres d’une veine fort riche dont l’or est en poudre[2]. En Suède, on a découvert quelques mines d’or, mais le minerai n’a rendu que la trente-deuxième partie d’une once par quintal[3] ; enfin on a aussi reconnu de l’or en Suisse, dans plusieurs endroits de la Valteline, et particulièrement dans la montagne de l’Oro, qui en a tiré son nom. L’on en trouve aussi dans le canton d’Underwald ; plusieurs rivières, dans les Alpes, en routent des paillettes ; le Rhin, dans le pays des Grisons, la Reuss, l’Aar et plusieurs autres, aux cantons de Lucerne, de Soleure, etc.[4]. Le Tage et quelques autres fleuves d’Espagne ont été célébrés par les anciens, à cause de l’or qu’ils roulent, et il n’est pas douteux que toutes ces paillettes et grains d’or, que l’on trouve dans les eaux qui découlent des Alpes, des Pyrénées et des montagnes intermédiaires, ne proviennent des mines primitives renfermées dans ces montagnes et que, si l’on pouvait suivre ces courants d’eau chargés d’or jusqu’à leur source, on ne serait pas éloigné du lieu qui les recèle ; mais, je le répète, ces travaux seraient maintenant très inutiles, et leur produit bien superflu. J’observerai seulement, d’après l’exposition qui vient d’être faite, que les rivières aurifères sont plus souvent situées au couchant qu’au levant des montagnes. La France, qui est à l’ouest des Alpes, a beaucoup plus de cet or de transport que l’Italie et l’Allemagne, qui sont situées à l’est. Nous verrons, par l’examen des autres régions où l’on recueille l’or en paillettes, si cette observation doit être présentée comme un fait général.

La plupart des peuples d’Asie ont anciennement tiré de l’or du sein de la terre, soit dans les montagnes qui produisent ce métal, soit dans les rivières qui en charrient les débris. Il y en a une mine en Turquie, à peu de distance du chemin de Salonique à Constantinople, qui, du temps du voyageur Paul Lucas, était en pleine exploitation et affermée par le Grand-Seigneur[5]. L’île de Thasos, aujourd’hui Thaso dans l’Archipel, était célèbre chez les anciens, à cause de ses riches mines d’or : Hérodote en parle, et dit aussi qu’il y avait beaucoup d’or dans les montagnes de la Thrace, dont l’une s’éboula par la sape des grands travaux qu’on y avait faits pour en tirer ce métal[6]. Ces mines de l’île de Thaso sont actuellement abandonnées ; mais il y en a une dans le milieu de l’île de Chypre, près de la ville de Nicosie, d’où l’on tire encore beaucoup d’or[7].

Dans la Mingrélie, à six journées de Teflis, il y a des mines d’or et d’argent[8] : on en trouve aussi dans la Perse, auxquelles il paraît qu’on a travaillé anciennement ; mais on

  1. Dans plusieurs exploitations de la Transylvanie, les veines d’or ne produisent point de minerai tant qu’il y a du quartz bien blanc, peu dense, clair, et d’une couleur transparente comme de l’eau ; dès qu’il commence à avoir une couleur grisâtre ou brunâtre, qu’il devient plus dense et avec des cavités cristalliques, l’or commence à se faire voir. Instruction sur l’art des mines, par M. Délius, traduction, t. Ier, p. 52. — Beaucoup de veines dans la Transylvanie, dont on a retiré dans les moyennes hauteurs de l’or vierge, se sont changées, dans les profondeurs, en minerai de plomb ou en mine morte, ou bien elles sont devenues tout à fait stériles. Idem, p. 72.
  2. Voyez les Mémoires de l’Académie des sciences, année 1762, p. 318.
  3. Mémoires de l’Académie de Suède, t. II.
  4. Mémoires de l’Académie des sciences, année 1762, p. 318. — Mémoire, sans nom d’auteur, sur les Curiosités de la Suisse.
  5. Troisième Voyage de Paul Lucas, Rouen, 1719, t. Ier, p. 60.
  6. Description de l’Archipel, par Dapper ; Amsterdam, 1703, p. 254.
  7. Idem, ibidem, p. 52.
  8. Voyages de Tavernier ; Rouen, 1713, t. Ier, p. 453.