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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome III.djvu/301

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endroits de la Guyane[1]. Enfin les Portugais ont découvert et fait travailler depuis près d’un siècle les mines du Brésil et du Paraguay, qui se sont trouvées, dit-on, encore plus riches que celles du Mexique et du Pérou. Les mines les plus prochaines de Rio-Janeiro, où l’on apporte ce métal, sont à une assez grande distance de cette ville. M. Cook dit[2] qu’on ne sait pas au juste où elles sont situées, et que les étrangers ne peuvent les visiter, parce qu’il y a une garde continuelle sur les chemins qui conduisent à ces mines : on sait seulement qu’on en tire beaucoup d’or, et que les travaux en sont difficiles et périlleux ; car on achète annuellement, pour le compte du roi, quarante mille nègres qui ne sont employés qu’à les exploiter[3].

Selon l’amiral Anson, ce n’est qu’au commencement de ce siècle qu’on a trouvé de l’or au Brésil : on remarqua que les naturels du pays se servaient d’hameçons d’or pour la pêche, et on apprit d’eux qu’ils recueillaient cet or dans les sables et graviers que les pluies et les torrents détachaient des montagnes. « Il y a, dit le voyageur, de l’or disséminé dans les terres basses, mais qui paye à peine les frais de la recherche, et les montagnes offrent des veines d’or engagées dans les rochers ; mais le moyen le plus facile de se procurer de l’or, c’est de le prendre dans le limon des torrents qui en charrient. Les esclaves employés à cet ouvrage doivent fournir à leurs maîtres un huitième d’once par jour ; le surplus est pour eux, et ce surplus les a souvent mis en état d’acheter leur liberté. Le roi a droit de quint sur tout l’or que l’on extrait des mines, ce qui va à trois cent mille livres sterling par an ; et par conséquent, la totalité de l’or extrait des mines, chaque année, est d’un million cinq cent mille livres sterling, sans compter l’or qu’on exporte en contrebande, et qui monte peut-être au tiers de cette somme[4]. »

Nous n’avons aucun autre indice sur ces mines d’or si bien gardées par les ordres du roi de Portugal : quelques voyageurs nous disent seulement qu’au nord du fleuve Jujambi, il y a des montagnes qui s’étendent de trente à quarante lieues de l’est à l’ouest, sur dix à quinze lieues de largeur ; qu’elles renferment plusieurs mines d’or ; qu’on y trouve aussi ce métal en grains et en poudre, et que son aloi est communément de vingt-deux carats ; ils ajoutent qu’on y rencontre quelquefois des grains ou pépites qui pèsent deux ou trois onces[5].

Il résulte de ces indications qu’en Amérique comme en Afrique, et partout ailleurs où la terre n’a pas encore été épuisée par les recherches de l’homme, l’or le plus pur se trouve, pour ainsi dire, à la surface du terrain, en poudre, en paillettes ou en grains, et quelquefois en pépites qui ne sont que des grains plus gros, souvent aussi purs que des lingots fondus : ces pépites et ces grains, ainsi que les paillettes et les poudres, ne sont que les débris plus ou moins brisés et atténués par le frottement de plus gros morceaux d’or arrachés par les torrents et détachés des veines métalliques de première formation ;

  1. Histoire générale des Voyages, t. XIV, p. 360.
  2. Voyage de Cook, t. II, p. 256.
  3. Rio-Janeiro est l’entrepôt et le débouché principal des richesses du Brésil. Les mines principales sont les plus voisines de la ville, dont néanmoins elles sont distantes de soixante-quinze lieues. Elles rendent au roi tous les ans, pour son droit de quint, au moins cent douze arobes d’or ; l’année 1762, elles en rapportèrent cent dix-neuf. Sous la capitainerie des mines générales, on comprend celles de Rio-de-Moros, de Sabara et de Sero-Frio. Cette dernière, outre l’or qu’on en retire, produit encore tous les diamants qui proviennent du Brésil ; ils se trouvent dans le fond d’une rivière qu’on a soin de détourner, pour séparer ensuite d’avec les cailloux, qu’elle roule dans son lit, les diamants, les topazes, les chrysolithes et autres pierres de qualité inférieure. Voyage autour du monde, par M. de Bougainville, t. Ier, p. 145 et 146.
  4. Voyage autour du monde, par l’amiral Anson.
  5. Histoire générale des Voyages, t. XIV, p. 225.