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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome III.djvu/354

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terre sous sa forme métallique ; et, comme il a plus d’affinité avec l’arsenic qu’avec toute autre matière, leurs parties calcinées et leurs vapeurs sublimées se seront mutuellement saisies, et ont formé les mines primordiales dans lesquelles l’étain n’est mêlé qu’avec l’arsenic seul. Celles qui contiennent des parties pyriteuses sont de seconde formation, et ne se sont établies qu’après les premières ; elles doivent, comme toutes les mines pyriteuses, leur formation et leur position à l’action et au mouvement des eaux : les premières mines d’étain se trouvent par cette raison en filons dans les montagnes quartzeuses produites par le feu, et les secondes dans les montagnes à couches formées par le dépôt des eaux.

Lorsque l’on jette la mine d’étain au fourneau de fusion, il faut tâcher de la faire fondre le plus vite qu’il est possible, pour empêcher la calcination du métal[1], qu’on doit aussi avoir soin de couvrir de poudre de charbon au moment qu’il est réduit en fonte ; car à peine est-il en fusion, que sa surface se change en chaux grise, qui devient blanche en continuant le feu. Cette chaux, dans le premier état, s’appelle cendre d’étain, et dans le second on la nomme potée. Lorsque cette dernière chaux ou potée d’étain a été bien calcinée, elle est aussi réfractaire au feu que les os calcinés : on ne peut la fondre seule qu’a un feu long et très violent ; elle s’y convertit en un verre laiteux semblable par la couleur à la calcédoine, et, lorsqu’on la mêle avec du verre, elle entre à la vérité dans l’émail qui résulte de cette fusion, mais sans être vitrifiée[2] ; c’est avec cette potée d’étain, mêlée de matières vitrifiables, que l’on fait l’émail le plus blanc de nos belles faïences.

Lorsque les mines d’étain contiennent beaucoup d’arsenic, et qu’on est obligé de les griller et calciner à plusieurs reprises, on recueille l’arsenic en faisant passer la fumée de cette mine en calcination par des cheminées fort inclinées. Les parties arsenicales s’attachent aux parois de ces cheminées, dont il est ensuite aisé de les détacher en les raclant.

On peut imiter artificiellement ces mines d’étain[3], en mêlant avec ce métal de l’arsenic calciné ; et même ce minéral ne manque jamais d’opérer la calcination de l’étain, et de se mêler intimement avec sa chaux lorsqu’on le traite au feu avec ce métal[4], ce qui

  1. Les Anglais font rôtir trois fois la mine d’étain, et la lavent jusqu’à ce qu’il n’y paraisse plus rien de terreux ; ensuite ils la chauffent une quatrième fois jusqu’à la faire bien rougir. Ils la pèsent pour savoir ce qu’elle a perdu au lavage et à la calcination : à une partie de cette mine ainsi préparée, ils joignent trois parties de flux noir ; ils mettent ce mélange dans un creuset et le couvrent de sel commun. Ils fondent à un feu vif et prompt, et n’y laissent le creuset que le temps nécessaire pour faire fondre l’étain, tant parce qu’il se brûle aisément que parce que les sels en fusion le rongent et en dérobent.

    Quelquefois ils substituent au flux noir la même quantité de charbon de terre en poudre ; ils le mêlent et conduisent la fonte comme par le flux noir. Traité de la fonte des mines de Schlutter, traduit par M. Hellot, t. Ier, p. 221.

  2. Si l’on mêle la potée d’étain, au moyen de la fusion, avec du verre blanc transparent, bientôt il devient opaque et passe à l’état d’émail par l’interposition des molécules de cette chaux invitrifiable, même par l’intermède du verre de plomb ; aussi empêche-t-elle la coupellation en nageant à la surface du plomb fondu, et, lorsqu’on veut coupeller quelque matière métallique qui contient de l’étain, il faut, par une calcination préliminaire, en extraire ce dernier métal. Lettres de M. Demeste à M. Bernard, t. II, p. 406.
  3. M. Monnet fait entrer du fer en quantité dans la composition de la mine artificielle d’étain. On pourrait donc croire, avec quelque fondement, qu’il en est de l’étain comme du cuivre, et que l’arsenic ne leur adhère si fortement que par le fer que les mines de ces deux métaux contiennent.
  4. Une demi-once de rognures de feuilles d’étain acquit, par cette calcination dans une cucurbite de verre, vingt-six grains d’augmentation de poids, quoique la chaleur eût été assez modérée pour que l’arsenic se sublimât sans faire entrer le métal en fusion. Éléments de chimie, par M. de Morveau, t. II, p. 330.