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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome III.djvu/381

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trouve de l’argent dans presque toutes les mines de plomb, on trouve aussi du plomb dans la plupart des mines d’argent ; mais, dans les filons de ces mines, le plomb, comme plus pesant, descend au-dessous de l’argent, et il arrive presque toujours que les veines les plus riches en argent se changent en plomb à mesure qu’elles s’étendent en profondeur[1].

Pour connaître la quantité de métal qu’une mine de plomb peut contenir, il faut la griller en ne lui donnant d’abord que peu de feu, la bien laver ensuite et l’essayer avec le flux noir, et quelquefois y ajouter de la limaille de fer[2], pour absorber le soufre que le grillage n’aurait pas tout enlevé[3] ; mais, quoique par ces moyens on obtienne la quantité de plomb assez juste, l’essai par la voie humide est encore plus fidèle ; voici le procédé de M. Bergman[4] : on pulvérise la galène, on la fait digérer dans l’acide nitreux ou dans l’acide marin jusqu’à ce que tout le plomb soit dissous, et alors le soufre minéral se précipite ; on s’assure que ce soufre est pur en le faisant dissoudre dans l’alcali caustique, on précipite le plomb par l’alcali cristallisé, et cent trente-deux parties de précipité indiquent cent parties de plomb : si le plomb tient argent, on le sépare du précipité par l’alcali volatil, et, s’il y a de l’antimoine, on le calcine par l’acide nitreux concentré ; si la galène tient du fer, on précipite le plomb et l’argent qui peuvent y être unis, ainsi que la quantité de fer qui se trouve dans l’acide, en mettant une lame de fer dans la dissolution ; celle que la lame de fer a produite indique exactement la quantité de ce métal contenue dans la galène.

Le plomb, extrait de sa mine par la fonte, demande encore des soins tant qu’il est en métal coulant ; car, si on le laisse exposé à l’action de l’air, sa surface se couvre d’une poudre grise, dont la quantité augmente à mesure que le feu continue, en sorte que tout le métal se convertit en chaux, et acquiert par cette conversion une augmentation de volume très considérable[5] : cette chaux grise, exposée de nouveau à l’action du feu, y prend bientôt, en la remuant avec une spatule de fer, une assez belle couleur jaune, et dans cet état on lui donne le nom de massicot ; et, si l’on continue de la remuer en la tenant

  1. Delius, Sur l’art des mines, t. Ier, p. 73.
  2. On met six quintaux de flux noir sur un quintal de mine ; on mêle le tout pour être mis dans un creuset que l’on place au feu ; on conduit la fonte comme celle d’un essai de mine de cuivre, excepté que celui de la mine de plomb est fini beaucoup plus tôt. On peut faire aussi ces essais avec quatre quintaux de flux noir sur un quintal de mine, et même avec deux ou trois quintaux de ce flux, pourvu que la mine soit bien désoufrée.

    Si les mines de plomb contiennent beaucoup d’antimoine, on ajoute, à l’essai d’un quintal de ces mines, vingt-cinq ou cinquante pour cent de limaille de fer, plus ou moins, selon que la mine est chargée d’antimoine… Si on essaie les mines lavées ou celles qu’on nomme vulgairement pures, parce qu’elles n’ont point ou très peu de gangues, sans les faire rôtir, il faut y ajouter vingt-cinq pour cent de limaille de fer : le plomb s’en détache plus aisément ; mais l’essai est souvent incertain, parce que le fer donne à l’essai une couleur noire. Quant aux mines rôties, il ne faut pas y ajouter de fer. Traité de la fonte des mines de Schlutter, t. Ier, p. 207 et 208.

  3. Les mines de plomb exigent la torréfaction, à cause du soufre qu’elles contiennent : on ajoute de la limaille de fer dans l’essai pour les en dépouiller plus sûrement : quand la mine tient de l’argent, ce qui arrive fréquemment, on appelle plomb-d’œuvre le produit de la première fonte qui se fait à travers les charbons ou au feu de réverbère, sur de la brasque. Ou retire de l’argent du plomb-d’œuvre par une espèce de coupellation en grand, c’est-à-dire en convertissant le plomb en litharge, sur un foyer fait de cendres lessivées ; on lui donne un second affinage dans de vraies coupelles, et les débris de ces vaisseaux, ainsi que ceux des fourneaux et même la litharge qui ne serait pas reçue dans le commerce, sont remis au fourneau pour revivifier le plomb. Éléments de chimie, par M. de Morveau, t. Ier, p. 231.
  4. Opuscules, t. II, dissertation 24.
  5. M. Demeste dit que cette augmentation de volume ou de pesanteur est comme de 113 à 100.