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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome III.djvu/385

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ment ensemble des cristaux : cet amalgame de plomb a la propriété singulière de décrépiter très vivement sur le feu.

L’ordre des affinités du plomb avec les autres métaux, suivant M. Geller, est l’argent, l’or, l’étain, le cuivre ; cette grande affinité de l’argent et du plomb que l’art nous démontre est bien indiquée par la nature ; car l’on trouve l’argent uni au plomb dans toutes les mines de première comme de dernière formation ; ce sont les poudres des mines primitives de l’argent, qui se sont unies et mêlées avec la chaux de plomb, et ont formé les galènes ou premiers minerais de ce métal ; mais les affinités du plomb avec l’or, l’étain et le cuivre que l’art nous a fait reconnaître, ne se manifestent que par de légers indices dans le sein de la terre ; ce n’est point avec ces métaux que le plomb s’y combine ; mais c’est avec les sels, et surtout avec les acides qu’il prend des formes différentes : la galène, qu’on doit regarder comme le plomb de première formation, n’est qu’une espèce de pyrite composée de chaux de plomb, et de l’acide uni à la substance du feu fixe. L’air et les sels de la terre ont ensuite décomposé ces galènes comme ils décomposent toutes les autres pyrites, et c’est de leurs détriments que se sont formées toutes les mines de seconde et de troisième formation ; cette marche de la nature est uniforme ; le feu primitif a fondu, sublimé ou calciné les métaux, après quoi les éléments humides, les sels, et surtout les acides, les ont attaqués, corrodés, dissous et, s’incorporant avec eux par une union intime, leur ont donné les nouvelles formes sous lesquelles ils se présentent.

Tous les acides minéraux ou végétaux peuvent entamer ou dissoudre le plomb ; les huiles et les graisses agissent aussi sur ce métal en raison des acides qu’elles contiennent ; elles l’attaquent surtout dans son état de chaux, et dissolvent la céruse, le minium et la litharge à l’aide d’une médiocre chaleur.

L’acide vitriolique doit être concentré et aidé de la chaleur pour dissoudre le plomb réduit en poudre métallique ou en chaux, et cette dissolution produit un sel qu’on appelle vitriol de plomb. On a remarqué que le minium résiste plus que les autres chaux de plomb à cet acide, qu’il ne se dissout qu’en partie, et qu’il perd seulement sa belle couleur rouge, et devient d’un brun presque noir[1]. Les sels neutres, qui contiennent de l’acide vitriolique, agissent aussi sur les chaux de plomb ; ils les précipitent de leur dissolution dans l’acide nitreux, et forment avec elles un vitriol de plomb.

L’acide nitreux, loin d’être concentré comme le vitriolique, doit au contraire être affaibli pour bien dissoudre le plomb ; et la dissolution, après l’évaporation, donne des cristaux qui, comme tous les autres sels produits par ce même métal, ont plutôt une saveur sucrée que saline : au reste, cet acide dissout également le plomb dans son état de métal et dans son état de chaux, c’est-à-dire les céruses, le massicot, le minium et même les mines de plomb blanches, vertes et rouges, etc.

L’acide marin ne dissout le plomb qu’à l’aide d’une forte chaleur ; cette dissolution donne un sel dont les cristaux sont brillants et en petites aiguilles : cet acide, ainsi que les sels qui en contiennent, précipite le plomb de sa dissolution dans l’acide nitreux, et forme un sel métallique auquel les chimistes ont donné le nom de plomb corné, comme ils ont aussi nommé argent corné, ou lune cornée, les cristaux de la dissolution de l’argent par le même acide marin.

Le soufre s’unit aisément avec le plomb par la fusion, et, lorsqu’on laisse ce mélange exposé à l’action du feu libre, il se brûle en partie, et le reste, qui est calciné, forme une espèce de pyrite ou mine de plomb semblable à la galène[2].

  1. Éléments de chimie, par M. de Morveau, t. II, p. 94.
  2. « Le plomb fondu avec le soufre s’enflamme seul ; il reste une poudre noire écailleuse, que l’on appelle plomb brûlé, cette matière n’entre en fusion qu’après avoir rougi ; elle produit une masse noire, aigre, disposée à facettes ; c’est une galène ou mine de plomb artificielle. » Éléments de chimie, par M. de Morveau, t. II, p. 54.