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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome III.djvu/440

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c’est en traitant le précipité du platine par une dissolution concentrée de sel ammoniac, et en lui faisant subir un feu de la dernière violence, qu’on peut le rendre assez ductile pour s’étendre sous le marteau, mais dans cet état de plus grande pureté, lorsqu’on le réduit en poudre, il est encore attirable à l’aimant ; le platine est donc toujours mêlé de fer, et dès lors on ne doit pas le regarder comme un métal simple : cette vérité, déjà bien constatée, se confirmera encore par toutes les expériences qu’on voudra tenter pour s’en assurer. M. Margraff a précipité le platine par plusieurs substances métalliques ; aucune de ces précipitations ne lui a donné le platine en état de métal, mais toujours sous la forme d’une poudre brune : ce fait n’est pas le moins important de tous les faits qui mettent ce minéral hors de la classe des métaux simples.

M. Lewis assure que l’arsenic dissout aisément le platine ; M. de Morveau, plus exact dans ses expériences, a reconnu que cette dissolution n’était qu’imparfaite, et que l’arsenic corrodait plutôt qu’il ne dissolvait le platine, et de tous les essais qu’il a faits sur ces deux minéraux joints ensemble, il conclut qu’il y a entre eux une très grande affinité, « ce qui ajoute, dit-il, aux faits qui établissent déjà tant de rapports entre le platine et le fer ; » mais ce dernier fait ajoute aussi un degré de probabilité à mon idée, sur l’existence d’une petite quantité d’arsenic dans cette substance composée de fer et d’or.

À tous ces faits qui me semblent démontrer que le platine n’est point un métal pur et simple, mais un mélange de fer et d’or tous deux altérés, et dans lequel ces deux métaux sont intimement unis, je dois ajouter une observation qui ne peut que les confirmer : il y a des mines de fer, tenant or et argent, qu’il est impossible même avec seize parties de plomb de réduire en scories fluides ; elles sont toujours pâteuses et filantes, et par conséquent l’or et l’argent qu’elles contiennent ne peuvent s’en séparer pour se joindre au plomb. On trouve en une infinité d’endroits des sables ferrugineux tenant de l’or ; mais jusqu’à présent on n’a pu, par la fonte en grand, en séparer assez d’or pour payer les frais ; le fer qui se ressuscite retient l’or, ou bien l’or reste dans les scories[1] : cette union intime de l’or avec le fer dans ces sablons ferrugineux, qui tous sont très magnétiques et semblables au sablon du platine, indiquent que cette même union peut bien être encore plus forte dans le platine où l’or a souffert, par quelques vapeurs arsenicales, une altération qui l’a privé de sa ductilité ; et cette union est d’autant plus difficile à rompre, que ni l’un ni l’autre de ces métaux n’existe dans le platine en leur état de nature, puisque tous deux y sont dénués de la plupart de leurs propriétés métalliques.

« Toutes les expériences que j’ai faites sur le platine, m’écrit M. Tillet, me conduisent à croire qu’il n’est point un métal simple, que le fer y domine, mais qu’il ne contient point d’or. » Quelque confiance que j’aie aux lumières de ce savant académicien, je ne puis me persuader que la partie dense du platine ne soit pas essentiellement de l’or, mais de l’or altéré et auquel notre art n’a pu jusqu’à présent rendre sa première forme : ne serait-il pas plus qu’étonnant qu’il existât en deux seuls endroits du monde une matière aussi pesante que l’or, qui ne serait pas de l’or, et que cette matière si dense, qu’on voudrait supposer différente de l’or, ne se trouvât néanmoins que dans des mines d’or ? Je le répète : si le platine se trouvait, comme les autres métaux, dans toutes les parties du monde, s’il se trouvait en mines particulières et dans d’autres mines que celles d’or, je pourrais penser alors, avec M. Tillet, qu’il ne contient point d’or, et qu’il

  1. Traité de la fonte des mines de Schlutter, t. Ier, p. 183 et 184. — On doit néanmoins observer que le procédé indiqué par M. Hellot, d’après Schlutter, n’est peut-être pas le meilleur qu’on puisse employer pour tirer l’or et l’argent du fer. M. de Grignon dit qu’il faut scorifier par le soufre, rafraîchir par le plomb et coupeller ensuite ; il assure que le sieur Vatrin a tiré l’or du fer avec quelque bénéfice, et qu’il en a traité dans un an quarante milliers qui venaient des forges de M. de la Blouze en Nivernais et Berry, d’une veine de mine de fer qui a cessé de fournir de ce minéral aurifère.