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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome III.djvu/476

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STALACTITES CRISTALLISÉES DU QUARTZ
CRISTAL DE ROCHE

Le cristal de roche paraît être l’extrait le plus simple et la stalactite la plus transparente des matières vitreuses : en le comparent avec le quartz, on reconnaît aisément qu’il est de la même essence ; tous deux ont la même densité[1] et sont à très peu près de la même dureté ; ils résistent également à l’action du feu et à celle des acides ; ils ont donc les mêmes propriétés essentielles, quoique leur formation soit très différente ; car le quartz a tous les caractères du verre fondu par le feu, et le cristal présente évidemment ceux d’une stalactite du même verre atténué par les vapeurs humides ou par l’action de l’eau : ses molécules très ténues, se trouvant en liberté dans le fluide qui les a dissoutes, se rassemblent par leur affinité à mesure que l’humidité s’évapore ; et, comme elles sont simples et similaires, leurs agrégats prennent de la transparence et une figure déterminée.

La forme de cristallisation dans cet extrait du quartz paraît être non seulement régulière, mais plus constante que dans la plupart des autres substances cristallisées : ces cristaux se présentent en prismes à six faces parallélogrammes, surmontées aux deux extrémités par des pyramides à six faces triangulaires. Le cristal de roche, lorsqu’il se forme en toute liberté, prend cette figure prismatique surmontée aux deux extrémités par des pyramides ; mais il faut pour cela que le suc cristallin, qui découle du quartz, trouve un lit horizontal qui permette au prisme de s’étendre dans ce même sens, et aux deux pyramides de se former à l’une et à l’autre extrémité[2] : lorsqu’au contraire le suintement de l’extrait du quartz se fait verticalement ou obliquement contre les voûtes et les parois du quartz ou dans les fentes des rochers, le cristal, alors attaché par sa base, n’a de libre qu’une de ses extrémités, qui prend toujours la forme de pyramide ; et, comme cette seconde position est infiniment plus fréquente que la première, on ne trouve que rarement des cristaux à deux pointes et très communément des cristaux en pyramide simple ou en prismes surmontés de cette seule pyramide, parce que la première pyramide ou le prisme, toujours attachés au rocher, n’ont pas permis à la seconde pyramide de se former à cette extrémité qui sert de base au cristal.

On peut même dire que la forme primitive du cristal de roche n’est réellement composée que des deux pyramides opposées par leur base, et que le prisme à six faces qui les sépare est plutôt accidentel qu’essentiel à cette forme de cristallisation ; car il y a des cristaux qui ne sont composés que de deux pyramides opposées et sans prisme intermédiaire ; en sorte que le cristal n’est alors qu’un solide dodécaèdre ; d’ailleurs, la hauteur des pyramides est constante, tandis que la longueur du prisme est très variable : ce n’est pas qu’il n’y ait aussi beaucoup de variété dans les faces des pyramides comme dans celles du prisme, et qu’elles ne soient plus étroites ou plus larges, et plus ou moins incli-

  1. Le poids du quartz transparent est à celui de l’eau distillée comme 26 546, et celui du cristal de roche d’Europe comme 26 548 sont à 10 000 : on peut donc assurer que leur densité est la même. Voyez la Table des pesanteurs spécifiques que M. Brisson, savant physicien, de l’Académie des sciences, s’est donné la peine de faire, en pesant à la balance hydrostatique toutes les matières terreuses et métalliques.
  2. On trouve de petits cristaux à deux pointes dans quelques cailloux creux ; ils ne sont point attachés par leur base, comme les autres, à la surface intérieure du caillou, ils en sont séparés et on les entend même ballotter dans cette cavité en secouant le caillou.