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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome III.djvu/514

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mettre au rang de ces pierres précieuses ; s’il leur ressemble par la densité, il en diffère par la dureté, par l’éclat et par d’autres propriétés encore plus essentielles ; d’ailleurs l’origine, la formation et la composition des grenats sont très différentes de celles des vraies pierres précieuses : la substance de celles-ci est homogène et pure, elles n’ont qu’une simple réfraction, au lieu que la substance du grenat est impure, composée de parties métalliques et vitreuses, dont le mélange se manifeste par la double réfraction et par une densité plus grande que celle des cristaux et même des diamants.

Le grenat n’est réellement qu’une pierre vitreuse mêlée de métal[1] : c’est du schorl et du fer, sa couleur rouge et sa fusibilité le démontrent ; il faut à la vérité un feu violent pour le fondre. M. Pott est le premier qui l’ait fondu sans intermède et sans addition : il se réduit en un émail brun et noirâtre.

Le grenat a d’ailleurs beaucoup de propriétés communes avec les schorls de seconde formation ; il ressemble par sa composition aux émeraudes et saphirs du Brésil[2] ; il est, comme le schorl, fusible sans addition ; le grenat et la plupart des schorls de seconde formation sont mêlés de fer, et tous les grenats en contiennent une plus grande quantité que les schorls ; plusieurs même agissent sur l’aiguille aimantée : ce fer contenu dans les grenats est donc dans son état métallique, comme le sable ferrugineux qui a conservé son magnétisme, et l’on ne peut douter que leur grande pesanteur ne provienne et ne dépende de la quantité considérable de fer qui est entrée dans la composition de leur substance. Les différentes nuances de leur couleur plus ou moins rouge et leur opacité plus ou moins grande en dépendent aussi ; car leur transparence est d’autant plus grande qu’ils contiennent moins de fer et que les particules de ce métal sont plus atténuées : le grenat syrien, qui est le plus transparent de tous, est en même temps le moins pesant, et néanmoins, la quantité de fer qu’il contient est encore assez grande pour qu’il agisse sur l’aiguille aimantée.

Les grenats ont tant de rapports avec les schorls, qu’ils paraissent avoir été produits ensemble et dans les mêmes lieux ; car on y trouve également des masses de schorl parsemées de grenats, et des masses de grenat parsemées de schorl[3] : leur origine et leur formation paraissent être contemporaines et analogues ; ils se trouvent dans les fentes des rochers graniteux, schisteux, micacés et ferrugineux, en sorte que le grenat pourrait être mis au nombre des vrais schorls, s’il ne contenait pas une plus grande quantité de fer qui augmente sa densité de plus d’un sixième ; car la pesanteur spécifique du schorl vert, le plus pesant de tous les schorls, n’est que de 34 529, tandis que celle du grenat syrien, le moins pesant et le plus pur des grenats, est de 40 000.

Les grenats les plus opaques contiennent jusqu’à vingt-cinq et trente livres de fer par quintal, et les plus transparents en contiennent huit ou dix, c’est-à-dire toujours plus que les schorls les plus opaques et les plus pesants : cependant il y a des grenats qui ne sont que très peu ou point sensibles à l’action de l’aimant, ce qui prouve que le fer dont ils

  1. Certains chimistes ont pensé que la couleur rouge du grenat venait de l’or et de l’étain, parce que l’on contrefait les rubis et les grenats au moyen d’un précipité d’or par l’étain ; mais on a démontré depuis que les grenats ne contiennent que du fer et point du tout d’or ni d’étain. Voyez le Dictionnaire de chimie de M. Macquer, article Mines, p. 639.
  2. La plupart des cristallisations du grenat semblent prouver que ses molécules sont rhomboïdales, de même que celles des schorls et des pierres précieuses du Brésil. Lettres de M. Demeste, t. Ier, p. 394.
  3. On voit, entre Faistritz et Cornowitz, des morceaux détachés de schorl vert spathique, qui renferment de grands grenats rouges ; quelques-uns de ces morceaux de schorl sont écailleux et d’un tissu micacé. Lettres sur la Minéralogie, par M. Ferber, etc., traduites par M. le baron de Dietrich, p. 9 et 10.