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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome III.djvu/527

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dans laquelle puisse se former ce jet de cristallisation en tout sens ; car, si l’eau tombe de la voûte, ou coule le long des parois d’une cavité vide, elle ne produira que des concrétions ou guhrs, nécessairement étendus et dirigés dans le seul sens de l’écoulement de l’eau qui se fait toujours de haut en bas : ainsi cet effet particulier du jet des cristaux en tout sens, aussi bien que l’effet général et combiné de la réunion des molécules qui forment la cristallisation, ne peuvent donc avoir lieu que dans un volume d’eau qui remplisse presque entièrement, et pendant un long temps, la capacité du lieu où se produisent les cristaux. Les anciens avaient remarqué, avant nous, que les grandes mines de cristal ne se trouvent que vers les hauts sommets des montagnes, près des neiges et des glaces, dont la fonte, qui se fait continuellement en dessous par la chaleur propre de la terre, entretient un perpétuel écoulement dans les fentes et les cavités des rochers ; et on trouve même encore aujourd’hui, en ouvrant ces cavités auxquelles on donne le nom de cristallières, des restes de l’eau dans laquelle s’est opérée la cristallisation : ce travail n’a cessé que quand cette eau s’est écoulée et que les cavités sont demeurées vides.

Les spaths cristallisés dans les fentes et cavités des bancs calcaires se sont formés de la même manière que les cristaux dans les rochers vitreux : la figuration de ces spaths en rhombes, leur position en tout sens, ainsi que le mécanisme par lequel leurs lames se sont successivement appliquées les unes aux autres, n’exigent pas moins la fluctuation libre des molécules calcaires dans un fluide qui leur permette de s’appliquer dans tous les sens, suivant les lois de leur attraction respective : ainsi toute cristallisation, soit dans les matières vitreuses, soit dans les substances calcaires, suppose nécessairement un fluide ambiant et tranquille, dans lequel les molécules dissoutes soient soutenues et puissent se rapprocher en liberté.

Dans les lieux vides au contraire, où les eaux stillantes tombent goutte à goutte des parois et des voûtes, les sucs vitreux et calcaires ne forment ni cristaux ni spaths réguliers, mais seulement des concrétions ou congélations, lesquelles n’offrent qu’une ébauche et des rudiments de cristallisation : la forme de ces congélations est en général arrondie, tubulée, et ne présente ni faces planes, ni angles réguliers, parce que les particules dont elles sont composées ne nageant pas librement dans le fluide qui les charrie, elles n’ont pu dès lors se joindre uniformément, et n’ont produit que des agrégats confus sous mille formes indéterminées.

Après cet exposé que j’ai cru nécessaire pour donner une idée nette de la manière dont s’opère la cristallisation, et faire ressortir en même temps la différence essentielle qui se trouve entre la formation des concrétions et des cristallisations, nous concevrons aisément pourquoi la plupart des stalactites dont nous allons donner la description ne sont pas des cristallisations, mais des concrétions demi-transparentes ou opaques, qui tirent également leur origine du quartz, du feldspath et du schorl.