Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome III.djvu/595

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lière de la sorte de terre à foulon dont on se sert en Angleterre pour détacher et même lustrer les draps ; il est défendu d’en exporter, et cette terre est en effet d’une qualité supérieure à toutes celles que l’on emploie en France, où je suis persuadé néanmoins qu’on pourrait en trouver de semblable. Quelques personnes qui en ont vu des échantillons à Londres m’ont dit qu’elle était d’une couleur rougeâtre et très douce au toucher.


PIERRE À RASOIR

On a donné la dénomination vague et trop générale de pierre à aiguiser à plusieurs pierres vitreuses, dont les unes ne sont que des concrétions de particules de quartz ou de grès, de feldspath, de schorl, et dont les autres sont mélangées de mica, d’argile et de schiste. Celle que l’on connaît sous le nom particulier de pierre à rasoir doit être regardée comme une sorte de schiste ou d’ardoise ; elle est à très peu près de la même densité[1], et n’en diffère que par la couleur et la finesse du grain : c’est une sorte d’ardoise dont la substance est plus dure que celle de l’ardoise commune.

Ces pierres à rasoir sont communément blanchâtres, et quelquefois tachées de noir : leur structure est lamelleuse et formée de couches alternatives, d’un gris blanc ou jaunâtre et d’un gris plus brun ; elles se séparent et se délitent comme l’ardoise, toujours transversalement et par feuilles ; elles sont de même assez molles en sortant de la carrière, et elles durcissent en se desséchant à l’air. Les couches alternatives, quoique de couleur différente, sont de la même nature, car elles résistent également à l’action des acides ; seulement on a observé que la couche noirâtre ou grise[2] exige un plus grand degré de chaleur pour se fondre que la couche jaunâtre ou blanchâtre.

On trouve de ces pierres à rasoir dans presque toutes les carrières dont on tire l’ardoise ; cependant elles ne sont pas toutes de la même qualité : il est aisé d’en distinguer à l’œil la finesse du grain, mais ce n’est guère que par l’usage qu’on peut en reconnaître la bonne ou mauvaise qualité.


    appelle proprement terre à foulon est d’un vert jaunâtre : il s’en trouve en Angleterre, en Cornouailles, qui porte le nom de terre cimolée, elle est d’un blanc cendré ; il en vient du même endroit sous le nom de terre noire de Tripoli, elle est un peu noirâtre.

    Le smectis des îles de Fer est assez dur, vert, approchant beaucoup de la pierre tendre (morochtus).

    La terre cendrée de Tournai est un smectis qui devient au feu d’un blanc merveilleux. La terre à foulon est fine, savonneuse et feuilletée dans la carrière ; elle y est déposée par lits horizontaux ; mais étant séchée elle a perdu l’abondance de son gluten, elle se divise par feuillets, se décompose, perd toute sa liaison à l’air, et produit alors un léger mouvement d’effervescence avec les acides ; elle est composée de particules si peu tenaces, qu’on ne peut presque pas la travailler : réduite en petits morceaux et battue dans de l’eau, elle se divise promptement et en parties très fines ; alors elle donne de l’écume et forme des bulles comme le savon dont elle a quelquefois les propriétés.

    La vraie terre savonneuse a, de plus que la terre à foulon, les propriétés, le goût et tous les caractères du savon : elle ne produit aucun mouvement d’effervescence avec les acides ; elle est toujours en masses grasses au toucher, marbrées et non feuilletées : telle est celle qu’on trouve en Suède, en Angleterre, à Plombières en France. Il nous en vient aussi de la même espèce de Sicile, de Rome, de Naples, et même de la Chine. Minéralogie de Bomare, t. Ier, p. 58 et 59.

  1. La pesanteur spécifique de la pierre à rasoir blanche est de 28 763 ; celle de l’ardoise, de 28 535, et celle du schiste supérieur aux bancs d’ardoise, de 28 276.
  2. Minéralogie de M. de Bomare, t. Ier, p. 145.