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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome III.djvu/642

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blancs assez chargés de particules organiques et nutritives pour en faire du pain en les mêlant avec de la farine[1] ; enfin, l’on peut mettre au nombre de ces bols blancs plusieurs sortes de terres qui nous sont indiquées sous différents noms, la plupart anciens, et que souvent on confond les unes avec les autres[2].

Le bol rouge tire sa couleur du fer en rouille dont il est plus ou moins mélangé ; c’est avec ce bol qu’on prépare la terre sigillée, si fameuse chez les anciens et de laquelle on faisait grand usage dans la médecine. Cette terre sigillée nous vient aujourd’hui des pays orientaux en pastilles ou en pains convexes d’un côté et aplatis de l’autre, avec l’empreinte d’un cachet que chaque souverain du lieu où il se trouve aujourd’hui de ces sortes de terres y fait apposer moyennant un tribut, ce qui leur a fait donner le nom de terres scellées ou sigillées : on leur a aussi donné les noms de terres de Lemnos, terre bénite de Saint-Paul, terre de Malte, terre de Constantinople. On peut voir, dans les anciens histo-

    de pots, de vases, de bouteilles et de carafes, si minces et d’une légèreté si grande, que le vent les emporte facilement : ces vases n’ont pas plus d’épaisseur qu’une carte à jouer ; on ne saurait rien voir en ce genre où la dextérité et l’adresse de l’ouvrier paraissent davantage. J’en ai apporté plusieurs des Indes, et surtout de ces bouteilles qu’on appelle gargoulettes ; et nos curieux sont ravis d’étonnement de voir des bouteilles de terre, qui tiennent une pinte de Paris, qu’on pourrait presque souffler comme les bouteilles de savon que font les petits enfants. On se sert de la gargoulette pour mettre rafraîchir l’eau : quand l’eau y a été un peu de temps, elle prend le goût et l’odeur de la terre de Patna, et devient délicieuse à boire ; et ce qui est le plus ravissant, c’est que le vase s’humecte, et qu’après avoir bu l’eau, on mange avec plaisir la bouteille. Les femmes des Indes, quand elles sont grosses, n’y apportent pas tant de façon ; elles aiment à la fureur cette terre de Patna, et si on ne les observait pas là-dessus, il n’y a point de femme grosse qui, en peu de jours, ne grugeât tous les pots, plats, coupes, etc., tant elles sont friandes de cette terre. Curiosités de la Nature et de l’Art ; Paris, 1703, p. 69 et 70.

  1. On trouve dans la seigneurie de Moscau, en la haute Lusace, une sorte de terre blanche dont les pauvres font du pain : on la prend dans un grand coteau où l’on travaillait autrefois du salpêtre. Quand le soleil a un peu échauffé cette terre, elle se fend, et il en sort de petites boules blanches comme de la farine. Cette terre ne fermente point seule, mais elle fermente lorsqu’elle est mêlée avec de la farine. M. de Sarlitz, gentilhomme saxon, a vu des personnes qui s’en sont nourries pendant quelque temps : il a fait faire du pain de cette terre seule, et de différents mélanges de terre et de farine ; il a même conservé ce pain pendant six ans. Un Espagnol lui a dit qu’on trouvait aussi de cette terre près de Gironne en Catalogne. Collection académique, t. Ier, partie étrangère, p. 278.
  2. Il y a deux sortes de terres appelées eritria, l’une très blanche et l’autre cendrée ; la dernière est la meilleure, on l’éprouve en la frottant sur du cuivre poli, où elle laisse une tache violette. Cette terre est astringente et rafraîchissante, et a la vertu de réunir les plaies récentes.

    La terre de Samos est blanche, légère, friable et onctueuse, ce qui fait qu’elle s’attache aisément à la langue : il y en a une espèce appelée aster, qui est couverte d’une croûte et dure comme une pierre.

    La terre de Chio est blanche, tirant un peu sur le cendré : elle ressemble à celle de Samos ; mais entre autres vertus, elle a celle d’ôter les rides du visage et de lui donner en même temps beaucoup de fraîcheur et d’éclat.

    La terre selinusa fait le même effet : la meilleure est celle qui est fort brillante, blanche et friable, et qui se dissout promptement dans l’eau.

    La terre pingite est presque de la couleur de la terre eritria ; mais on la tire de la mine en plus grands morceaux ; elle est froide au toucher et s’attache à la langue.

    La terre melia ressemble beaucoup par sa couleur cendrée à l’eritria ; elle est rude au toucher, et fait du bruit entre les doigts comme la pierre ponce ; elle tient quelque chose de la vertu de l’alun, comme on le reconnaît au goût. Métallurgie d’Alphonse Barba, traduite de l’espagnol, t. Ier, p. 13 et 14.