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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome III.djvu/79

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près contiguës, et à peu de distance les unes des autres : et, lorsque cette matière pyriteuse se trouve trop mélangée, trop impure pour pouvoir se réunir en masse régulière, elle reste disséminée dans les matières brutes, telles que le schiste ou la pierre calcaire dans lesquelles elle semble exercer encore sa grande force d’attraction ; car elle leur donne un degré de dureté qu’aucun autre mélange ne pourrait leur communiquer ; les grès même, qui se trouvent pénétrés de la matière pyriteuse, sont communément plus durs que les autres ; le charbon pyriteux est aussi le plus dur de tous les charbons de terre ; mais cette dureté, communiquée par la pyrite, ne subsiste qu’autant que ces matières, durcies par son mélange, sont à l’abri de l’action des éléments humides ; car ces pierres calcaires, ces grès et ces schistes si durs, parce qu’ils sont pyriteux, perdent à l’air, en assez peu de temps, non seulement leur dureté, mais même leur consistance.

Le feu fixe, d’abord contenu dans les corps organisés, a été pendant leur décomposition saisi par l’acide, et tous deux, réunis à la matière ferrugineuse, ont formé des pyrites martiales en très grande quantité, dès le temps de la naissance et de la première mort des animaux et des végétaux : c’est à cette époque, presque aussi ancienne que celle de la naissance des coquillages, à laquelle il faut rapporter le temps de la formation des couches de la terre végétale et du charbon de terre, et aussi les amas de pyrites qui ont fait, en s’échauffant d’elles-mêmes, le premier foyer des volcans ; toutes ces matières combustibles sont encore aujourd’hui l’aliment de leurs feux, et la matière première du soufre qu’ils exhalent. Et comme, avant l’usage que l’homme a fait du feu, rien ne détruisait les végétaux que leur vétusté, la quantité de matière végétale accumulée pendant ces premiers âges est immense : aussi s’est-il formé des pyrites dans tous les lieux de la terre, sans compter les charbons qui doivent être regardés comme les restes précieux de cette ancienne matière végétale, qui s’est conservée dans son baume ou son huile, devenue bitume par le mélange de l’acide.

Le bitume et la matière pyriteuse proviennent donc également des corps organisés : le premier en est l’huile, et la seconde la substance du feu fixe, l’un et l’autre saisis par l’acide ; la différence essentielle entre le bitume et la pyrite martiale consiste en ce que la pyrite ne contient point d’huile, mais du feu fixe, de l’acide et du fer. Or nous verrons que le fer a la plus grande affinité avec le feu fixe et l’acide, et nous avons déjà démontré que ce métal, contenu en assez grande quantité dans tous les corps organisés, se réunit en grains et se régénère dans la terre végétale dont il fait partie constituante : ce sont donc ces mêmes parties ferrugineuses, disséminées dans la terre végétale, que la pyrite s’approprie dans sa formation, en les dénaturant au point que, quoique contenant une grande quantité de fer, la pyrite ne peut être mise au nombre des mines de fer, dont les plus pauvres donnent plus de métal que les pyrites les plus riches ne peuvent en rendre, surtout dans les travaux en grand, parce qu’elles brûlent plus qu’elles ne fondent, et que, pour en tirer le fer, il faudrait les griller plusieurs fois, ce qui serait aussi long que dispendieux, et ne donnerait pas encore une aussi bonne fonte que les vraies mines de fer.

La matière pyriteuse, contenue dans la couche universelle de la terre végétale, est quelquefois divisée en parties si ténues qu’elle pénètre avec l’eau, non seulement dans les joints des pierres calcaires, mais même à travers leur masse, et que, se rassemblant ensuite dans quelque cavité, elle y forme des pyrites massives. M. de Lassone en cite un exemple dans les carrières de Compiègne[1], et je puis confirmer ce fait par plusieurs

  1. Les rocs de pierre qui se trouvent fort avant dans la terre, aux environs de Compiègne, avaient pour la plupart des cavités dont quelques-unes avaient jusqu’à un demi-pied de diamètre et plus. Dans ces cavités, on remarquait de petits mamelons ou protubérances adhérentes aux parois, qui s’étaient formés en manière de stalactites ; mais ce qu’il y a de plus singulier, c’est une pyrite qui s’est formée dans une de ces cavités par un guhr pyriteux, filtré à travers le tissu même dans le bloc de pierre. Mémoires de l’Académie des sciences, année 1771, p. 86.