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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome III.djvu/91

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Les laves, comme les autres matières vitreuses ou calcaires, doivent avoir leurs stalactites propres et produites par l’intermède de l’eau ; mais il ne faut pas confondre ces stalactites avec les cristaux que le feu peut avoir formés[1] : il en est de même de la lave

    » Les échantillons no 3 sortent d’un pot de verrerie, sur le côté duquel avait coulé un peu de verre fondu, qui y adhéra assez longtemps pour former différentes sortes de cristaux : l’intérieur de ces échantillons est aussi couvert d’un verre différemment cristallisé. Quelques cristaux semblent des demi-colonnes… d’autres paraissent composés de plusieurs demi-colonnes réunies sur un même plan, autour du centre commun, comme les rayons d’une roue. Plusieurs de ces rayons semblent s’étrécir en approchant du centre de la roue, et ressemblent par conséquent plus à des segments de morceaux de cônes coupés suivant leur axe qu’à des cylindres…

    » L’échantillon de verre no 4 avait coulé par la fente d’un pot, et adhéra assez longtemps aux barres de la grille du fourneau pour cristalliser. Quelques cristaux paraissent oblongs comme des aiguilles, d’autres globulaires ou d’une figure approchante : plusieurs de ceux qui sont en aiguilles se joignent à un centre commun ; et quoique le trop prompt refroidissement du verre les ait probablement empêchés de s’unir en assez grand nombre pour former des cristaux globulaires complets, ils montrent assez comment ceux qui le sont ont pu le devenir.

    » Toutes les cristallisations que je viens de décrire ont été observées sur un verre à vitre d’un vert noir qui se coule à Stourbridge. Il est composé de sable, de terre calcaire et de cendres de végétaux lessivées.

    » Il y a encore souvent des cristallisations dans le verre des bouteilles ordinaires, dont les matériaux sont presque les mêmes que ceux dont je viens de parler, sauf des scories de fer qu’on y ajoute quelquefois. Je mets ici l’échantillon no 5 : les cristaux n’y sont pas enfouis dans un verre transparent non cristallisé, mais saillant à la surface de la masse qui en est tout opaque et cristallisée. Ils semblent une lame d’épée à deux faces, tronquée par la pointe.

    » Je n’ai vu de cristaux si parfaits que dans ces deux sortes de verre : c’est qu’étant plus fluides et moins tenaces que tout autre quand on les fond, les particules qui constituent les cristaux se joignent plus aisément, et s’appliquent les unes aux autres avec moins de résistance de la part du milieu…

    » La cristallisation change considérablement quelques propriétés du verre : elle détruit sa transparence et lui donne une blancheur opaque ou demi-opaque ; elle augmente sa densité, car celle d’un morceau de verre cristallisé était à celle de l’eau comme 2676 à 1000, au lieu que la densité d’un morceau non cristallisé, pris à côté du premier, conséquemment fait des mêmes matériaux et exposé à la même chaleur et aux autres circonstances, était à celle de l’eau comme 2662 à 1000 : la cristallisation diminue encore la fragilité du verre, car celui qui est cristallisé ne se fêle pas si tôt en passant du chaud au froid.

    » La cristallisation est toujours accompagnée ou précédée de l’évaporation des parties les plus légères et les plus fluides du verre : un morceau transparent, exposé jusqu’à ce qu’il fût entièrement cristallisé, perdit un cinquante-huitième de son poids ; et d’autres expériences me donnent à croire que le verre trop chargé de flux salins se cristallise plus difficilement que les autres verres plus durs, jusqu’à ce qu’il en ait perdu le superflu par l’évaporation… La description de mes cristaux vitreux montre des cristallisations fort variées dans la même espèce de matière soumise à différentes circonstances : elles varient même souvent dans le même morceau de verre, comme je l’ai fait voir, quoique les circonstances n’aient pas changé. » Journal de Physique, septembre 1779, p. 187 et suiv.

  1. « Dans l’intérieur de quelques morceaux de lave qu’on avait rompue, il y avait de petites cavités de la grandeur d’une noix, dont les parois étaient revêtues de cristaux blancs, demi-transparents, en rayons allongés, pyramidaux, pointus ou plats ; quelques-uns avaient une légère teinte d’améthyste : c’est justement de la même manière que les boules d’agate et les géodes sont garnies intérieurement de cristaux de quartz. Il était impossible de découvrir sur toute la circonférence intérieure la plus petite fente dans la lave. Ces cristaux étaient de la nature du schorl, mais très durs ; je leur donnerais aussi volontiers le nom