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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome IV, Partie 1.djvu/111

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électrisés que l’on a appelés bouteilles de Leyde, et par le moyen desquels on reçoit les secousses les plus fortes, se déchargent et perdent leur vertu, dès le moment qu’ils sont entièrement plongés dans l’eau : cette eau, en faisant communiquer ensemble les deux surfaces intérieure et extérieure, rétablit l’équilibre dont la rupture est la seule cause du mouvement, et par conséquent de la force du fluide électrique. Si l’on remarque donc des effets électriques dans les torpilles, l’on doit supposer, d’après les modifications de ces effets, que l’électricité n’y existe pas seule, et qu’elle y est réunie avec le magnétisme, de manière à y subir une combinaison qui augmente, diminue ou altère sa puissance, et il paraît que ces deux forces électrique et magnétique qui, lorsqu’elles sont séparées l’une de l’autre, sont plus ou moins actives ou presque nulles, suivant l’état de l’atmosphère, le sont également lorsqu’elles sont combinées dans ces poissons ; mais peut-être aussi la diversité des saisons, ainsi que les différents états de ces animaux, influent-ils sur l’action de leurs forces électrique et magnétique. Plusieurs personnes ont en effet manié des torpilles, sans en recevoir aucune secousse. M. le comte de Lacépède étant à La Rochelle, en octobre 1877, voulut éprouver la vertu de quelques torpilles, que MM. de l’Académie de La Rochelle avaient fait pêcher ; elles étaient bien vivantes et paraissaient très vigoureuses ; cependant, de quelque manière qu’on les touchât, soit immédiatement avec la main, soit avec des barreaux de fer ou d’autres matières, et sur quelque partie de leur corps qu’on portât l’attouchement, dans l’eau ou hors de l’eau, aucun des assistants à l’expérience ne ressentit la moindre commotion. Il paraît donc que ces poissons ne sont pas électriques dans tout les temps, et que cette propriété, qui n’est pas constante, dépend des circonstances, et peut-être de la saison ou du temps auxquels ces animaux doivent répandre leurs œufs et leur frai ; et nous ne pouvons rien dire de la cause de ces alternatives d’action et d’inaction, faute d’observations assez suivies sur ces poissons singuliers.

Cette combinaison des deux forces électrique et magnétique, que la nature paraît avoir faite dans quelques êtres vivants, doit faire espérer que nous pourrons les réunir par l’art, et peut-être en tirer des secours efficaces dans certaines maladies, et particulièrement dans les affections nerveuses.

Les deux forces électrique et magnétique ont en effet été employées séparément avec succès pour la guérison ou le soulagement de plusieurs maux douloureux. Quelques physiciens[1], particulièrement M. Mauduit, de la Société royale de médecine, ont guéri des maladies par le moyen de l’électricité[2], et M. l’abbé le Noble, qui s’occupe avec succès, depuis longtemps, des effets du magnétisme sur le corps humain, et qui est parvenu à construire des aimants artificiels beaucoup plus forts que tous ceux qui étaient déjà connus, a employé très heureusement l’application de ces mêmes aimants pour le soulagement de plusieurs maux. Nous croyons devoir placer, dans la note ci-après, un extrait du rapport fait par MM. les commissaires de la Société royale de médecine, au sujet des travaux utiles de ce physicien, qui les continue avec zèle, et d’une manière d’autant plus louable qu’il les consacre gratuitement au soulagement des malheureux[3].

  1. On peut voir à ce sujet l’ouvrage de M. l’abbé Bertholon, intitulé : De l’électricité du corps humain.
  2. Voyez les Mémoires de la Société royale de médecine, ainsi que les divers rapports et avis publiés par cette Compagnie.
  3. Dans un compte rendu à la Société royale de médecine sur les effets de l’aimant et au sujet des travaux de M. le Noble, les commissaires s’expriment en ces termes : « Les affections nerveuses nous ont paru céder et se dissiper d’une manière constante pendant l’usage de l’aimant, et, au contraire, les affections humorales n’ont éprouvé aucun changement par la plus forte et la plus longue application de l’aimant. Dans toutes les affections nerveuses, quelle que fût la nature des accidents dont elles étaient accompagnées, soit qu’elles consistassent en des affections purement douloureuses, soit qu’elles parussent