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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome IV, Partie 1.djvu/113

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Les premiers physiciens qui ont voulu rechercher les rapports analogues des forces magnétique et électrique essayèrent de rapporter l’électricité, qu’on venait en quelque sorte de découvrir, au magnétisme dont on connaissait depuis longtemps les grands phé-

    ces différentes époques, M. l’abbé le Noble n’a cessé de s’occuper de l’usage de l’aimant dans plusieurs espèces d’affections nerveuses. Les résultats qu’il avait obtenus de ces essais sont consignés dans un mémoire qu’il lut, au mois de septembre 1777, dans une des séances de la Société. Enfin, pour compléter l’histoire de ses travaux, on doit y joindre les différents essais auxquels ont donné lieu nos propres observations, et dont nous reconnaissons qu’il doit, s’il en résulte quelque utilité, partager avec nous le mérite. À ce sujet, nous devons rendre compte à la Compagnie du zèle avec lequel M. l’abbé le Noble s’est porté à nous seconder dans nos recherches. Quoique la durée de ces essais et sa résidence ordinaire en province aient exigé de lui de fréquents voyages et de longs séjours à Paris ; quoique la multiplicité des malades qui ont eu recours à l’aimant, le peu d’aisance du plus grand nombre, la durée du long traitement pendant lequel les armures ont dû être souvent renouvelées aient été autant de charges, d’incommodités et de sujets de dépenses pour M. l’abbé le Noble, nous devons annoncer qu’il n’a épargné ni soins, ni peines, ni sacrifices pour concourir, autant qu’il était en lui, au succès de nos épreuves et au soulagement des malheureux. M. l’abbé le Noble se montre encore animé des mêmes dispositions et prêt à les mettre en œuvre, si les circonstances répondaient à ses désirs ; mais, attaché par la nature de ses devoirs à la place qu’il remplit en province, il ne pourrait concourir d’une manière utile aux expériences que nous proposons s’il n’était fixé à Paris. C’est au gouvernement seul qu’il appartient de lever cet obstacle, et nous pensons que la Compagnie doit renouveler en sa faveur les mêmes instances qu’elle a déjà faites, en 1778, pour lui obtenir une résidence fixe dans la capitale.

    » Des raisons particulières et personnelles à M. le Noble nous paraissent devoir lui mériter cette faveur du gouvernement : c’est surtout en employant de forts aimants, portés au plus haut degré de force et préparés de manière à former une machine semblable à celle de l’électricité, qu’on doit attendre de nouveaux avantages du magnétisme. M. l’abbé le Noble possède en ce genre des procédés très supérieurs à tous ceux qui ont été connus et employés jusqu’ici par les physiciens. Nous apportons, en preuve de ce que nous avançons ici, un certificat de l’Académie royale des sciences, à laquelle M. l’abbé le Noble a présenté des aimants capables de soutenir des poids de plus de deux cents livres, et qui lui ont mérité les éloges et l’approbation de cette Compagnie. C’est avec des aimants de ce genre qu’on a lieu de se flatter d’obtenir du magnétisme des effets extraordinaires et inconnus. »

    M. l’abbé le Noble nous a communiqué les détails suivants, relatifs aux diverses applications qu’il a faites de l’aimant, dans les maladies, depuis la publication du rapport de la Société royale de médecine.

    En 1786, le 24 mai, à cinq heures du soir, une plaque d’aimant, envoyée par M. l’abbé le Noble, fut appliquée sur l’estomac à une malade âgée de cinquante et un ans, et qui, depuis l’âge de vingt-deux, éprouvait de temps en temps des attaques de nerfs plus ou moins fréquentes, qui étaient venues à la suite d’une suppression, et étaient accompagnées de convulsions très fortes, et d’autres symptômes effrayants. Ces attaques avaient disparu quelquefois près d’un an ; elles avaient été aussi suspendues par différents remèdes. Pendant les divers intervalles, qui avaient séparé le temps où les attaques étaient plus ou moins fréquentes, la personne qui les avait éprouvées avait joui d’une bonne santé ; mais, depuis quinze mois, elle était retombée dans son premier état ; sur la fin même, les accidents arrivaient plus de dix à douze fois par jour, et quelquefois duraient plusieurs minutes. Depuis dix-huit mois, les évacuations périodiques étaient dérangées et n’avaient lieu que de deux mois en deux mois.

    L’effet de l’aimant fut très prompt : la malade n’eut plus de convulsions, quoique, dans la matinée et dans l’après-dînée, elle en eût éprouvé plus de vingt fois. Le 10 juin, les convulsions n’étaient point encore revenues, la malade se portait mieux ; elle sentait ses forces et son appétit augmenter de jour en jour, elle dormait un peu mieux pendant la nuit et