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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome IV, Partie 1.djvu/144

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si bien réussi, tant en France[1] qu’en Angleterre, qu’on pourrait, au moyen d’un de ces aimants artificiels, se passer à l’avenir des aimants de nature.

Il y a plus : on peut, sans aimant ni fer aimanté, et par un procédé aussi remarquable qu’il est simple, exciter dans le fer la vertu magnétique à un très haut degré : ce procédé consiste à poser sur la surface polie d’une forte pièce de fer, telle qu’une enclume, des barreaux d’acier, et à les frotter ensuite un grand nombre de fois en les retournant sur leurs différentes faces, toujours dans le même sens, au moyen d’une grosse barre de fer tenue verticalement et dont l’extrémité inférieure, pour le plus grand effet, doit être aciérée et polie. Les barreaux d’acier se trouvent, après ces frottements, fortement aimantés, sans que l’enclume ni la barre, qui semblent leur communiquer la vertu magnétique, la possèdent ou la prennent sensiblement elles-mêmes ; et rien ne semble plus propre à démontrer l’affinité réelle et le rapport intime du fer avec la force magnétique, lors même qu’elle ne s’y manifeste pas sensiblement et qu’elle n’y est pas formellement établie, puisque, ne la possédant pas, il la communique en déterminant son cours et ne lui servant que de conducteur.

MM. Michel et Canton, au lieu de se servir d’une seule barre de fer pour produire des aimants artificiels, ont employé avec succès deux barres déjà magnétiques : leur méthode a été appelée « méthode du double contact », à cause du double moyen qu’ils ont préféré. Elle a été perfectionnée par M. Æpinus, qui a cherché et trouvé la manière la plus avantageuse de placer les forces dans les aimants artificiels, afin que celles qui attirent et celles qui repoussent se servent le plus et se nuisent le moins possible. Voici son procédé, qui est l’un des meilleurs auxquels on puisse avoir recours pour cet effet, et nous pensons qu’on doit le préférer pour aimanter les aiguilles des boussoles. M. Æpinus suppose que l’on veuille augmenter jusqu’au degré de saturation la vertu de quatre barres déjà douées de quelque magnétisme… Il en met deux horizontalement, parallèlement et à une certaine distance l’une de l’autre, entre deux parallélipipèdes de fer ; il place sur une de ces barres horizontales les deux autres barres qui lui restent ; il les incline, l’une à droite, l’autre à gauche, de manière qu’elles forment un angle de quinze à vingt degrés avec la barre horizontale, et que leurs extrémités inférieures ne soient séparées que par un espace de quelques lignes ; il les conduit ensuite d’un bout de la barre à l’autre, alternativement dans les deux sens et en les tenant toujours à la même distance l’une de l’autre ; après que la première barre horizontale a été ainsi frottée sur ses deux surfaces,

    taines proportions d’épaisseur et de longueur hors desquelles le fer reçoit moins de vertu magnétique ; il est certain qu’on peut donner à des barreaux d’acier, d’une figure convenable et trempés fort durs, une quantité de vertu magnétique très considérable. L’acier trempé a cet avantage sur le fer et sur l’acier doux, qu’il retient beaucoup plus de vertu magnétique, quoiqu’il ait plus de peine à s’en charger. (Extrait de l’article Aimant, dans l’Encyclopédie, par M. Le Monnier.) M. du Fay dit que la figure des morceaux de fer que l’on veut aimanter contribue beaucoup à la formation des pôles, ou plutôt à leur établissement. Par exemple, on ne parviendra que difficilement à établir des pôles sur un morceau de fer dont la forme est sphérique, car il eut beau frotter une petite boule de fer sur un bon aimant, il ne put jamais parvenir à lui donner des pôles bien déterminés. (Mémoires de l’Académie des sciences, 1773.) Ce que dit ici M. du Fay est vrai en général ; cependant, cela dépend encore de la force des aimants qu’on emploie pour communiquer la vertu magnétique à ces boules, car M. Knigth a très bien aimanté de petites boules de fer en employant des aimants artificiels très vigoureux.

  1. M. le Noble, chanoine de Saint-Louis-du-Louvre, s’est surtout distingué dans cet art ; il a composé des aimants artificiels de plusieurs lames d’acier réunies ; il a trouvé le moyen de les aimanter plus fortement et de leur donner les figures et les dimensions convenables pour produire les plus grands effets ; et, comparaison faite des aimants de M. le Noble avec ceux d’Angleterre, ils m’ont paru au moins égaux, et même supérieurs.