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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome IV, Partie 1.djvu/17

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des verres primitifs[1], et qui d’ailleurs se réduisent en chaux, au lieu de se fondre ou de brûler : ces pierres précieuses ne peuvent de même provenir de la décomposition des spaths fluors dont la pesanteur spécifique est à peu près égale à celle des schorls[2], et je ne vois dans la nature que les spaths pesants dont la densité puisse se comparer à celle des pierres précieuses ; la plus dense de toutes est le rubis d’Orient, dont la pesanteur spécifique est de 42 833 ; et celle du spath pesant, appelé pierre de Bologne, est de 44 409 ; celle du spath pesant octaèdre est de 44 712[3] ; on doit donc croire que les pierres précieuses ont quelque rapport d’origine avec ces spaths pesants, d’autant mieux qu’elles s’imbibent de lumière et qu’elles la conservent pendant quelque temps comme les spaths pesants ; mais ce qui démontre invinciblement que ni les verres primitifs, ni les substances calcaires, ni les spaths fluors, ni même les spaths pesants n’ont produit les pierres précieuses, c’est que toutes ces matières se trouvent à peu près également dans toutes les régions du globe, tandis que les diamants et les pierres précieuses ne se rencontrent que dans les climats les plus chauds, preuve certaine que, de quelque matière qu’elles tirent leur origine, cet excès de chaleur est nécessaire à leur production.

Mais la chaleur réelle de chaque climat est composée de la chaleur propre du globe[NdÉ 1] et de l’accession de la chaleur envoyée par le soleil ; l’une et l’autre sont plus grandes entre les tropiques que dans les zones tempérées et froides : la chaleur propre du globe y est plus forte, parce que le globe étant plus épais à l’équateur qu’aux pôles, cette partie de la terre a conservé plus de chaleur, puisque la déperdition de cette chaleur propre du globe s’est faite, comme celle de tous les autres corps chauds, en raison inverse de leur épaisseur. D’autre part, la chaleur qui arrive du soleil avec la lumière est, comme l’on sait, considérablement plus grande sous cette zone torride que dans tous les autres climats ; et c’est de la somme de ces deux chaleurs toujours réunies qu’est composée la chaleur locale de chaque région : les terres, sous l’équateur jusqu’aux deux tropiques, souffrent par ces deux causes un excès de chaleur qui influe non seulement sur la nature des animaux, des végétaux et de tous les êtres organisés, mais agit même sur les matières brutes, particulièrement sur la terre végétale qui est la couche la plus extérieure du globe ; aussi les diamants, rubis, topazes et saphirs ne se trouvent qu’à la surface ou à de très petites profondeurs dans le terrain de ces climats très chauds : il ne s’en rencontre dans aucune autre région de la terre. Le seul exemple contraire à cette exclusion générale est le saphir du Puy en Velay, qui est spécifiquement aussi et même un peu plus pesant que le saphir d’Orient[4] et qui prend, dit-on, un aussi beau poli ; mais j’ignore s’il n’a de même qu’une simple réfraction, et par conséquent si on doit l’admettre au rang des vraies

  1. Les pesanteurs spécifiques du quartz sont de 26 546 ; du feldspath, de 26 466 ; du mica blanc, de 27 044, et la pesanteur spécifique du spath calcaire (cristal d’Islande) est de 27 151 ; et celle du spath perlé, de 28 378. Tables de M. Brisson.
  2. La pesanteur spécifique du spath phosphorique cubique blanc est de 31 555 ; celle du spath phosphorique cubique violet, de 31 757 ; du spath phosphorique d’Auvergne, de 30 943 ; et la pesanteur spécifique du schorl cristallisé est de 30 926 ; du schorl violet de Dauphiné, de 32 956. Idem, ibidem.
  3. Voyez les mêmes Tables de M. Brisson.
  4. La pesanteur spécifique du saphir d’Orient bleu est de 39 941 ; du saphir d’Orient blanc, de 39 911 ; et la pesanteur spécifique du saphir du Puy est de 40 769. Tables de M. Brisson.
  1. La chaleur propre du globe n’exerce qu’une influence extrêmement minime ou nulle sur « la chaleur réelle de chaque climat ». Cette dernière est due à l’influence du soleil et à la disposition topographique de la région envisagée, disposition qui expose cette région à certains vents plutôt qu’à d’autres, à des courants atmosphériques, etc.