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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome IV, Partie 1.djvu/19

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la terre et dans le sable des rivières, où elles ne sont qu’en petites masses isolées et souvent recouvertes d’une terre limoneuse ou bolaire, mais jamais attachées aux rochers, comme le sont les cristaux des autres pierres vitreuses ou calcaires.

D’autres faits particuliers viendront à l’appui de ces faits généraux, et l’on ne pourra guère se refuser à croire que les diamants et autres pierres précieuses ne soient en effet des produits de la terre limoneuse, qui, conservant plus qu’aucune autre matière la substance du feu des corps organisés dont elle recueille les détriments, doit produire et produit réellement partout des concrétions combustibles et phosphoriques, telles que les pyrites, les spaths pesants, et peut par conséquent former des diamants également phosphoriques et combustibles dans les lieux où le feu fixe contenu dans cette terre est encore aidé par la plus grande chaleur du globe et du soleil.

Pour répondre d’avance aux objections qu’on pourrait faire contre cette opinion, nous conviendrons volontiers que ces saphirs trouvés au Puy en Velay, dont la densité est égale à celle du saphir d’Orient, semblent prouver qu’il se rencontre au moins quelqu’une des pierres que j’appelle précieuses dans les climats tempérés ; mais ne devons-nous pas en même temps observer que, quand il y a eu des volcans dans cette région tempérée, le terrain peut en être pendant longtemps aussi chaud que celui des régions du midi ? Le Velay, en particulier, est un terrain volcanisé, et je ne suis pas éloigné de penser qu’il peut se former dans ces terrains, par leur excès de chaleur, des pierres précieuses de la même qualité que celles qui se forment par le même excès de chaleur dans les climats voisins de l’équateur, pourvu néanmoins que cet excès dans les terrains volcanisés soit constant, ou du moins assez durable et assez uniformément soutenu pour donner le temps nécessaire à la formation de ces pierres : en général, leur dureté nous indique que leur formation exige beaucoup de temps, et les terres volcanisées ne conservant pas leur excès de chaleur pendant plusieurs siècles, il ne doit pas s’y former des diamants, qui de toutes les pierres sont les plus dures, tandis qu’il peut s’y former des pierres transparentes moins dures. Ce n’est donc que dans le cas très particulier où la terre végétale conserverait cet excès de chaleur pendant une longue suite de temps qu’elle pourrait produire ces stalactites précieuses dans un climat tempéré ou froid, et ce cas est infiniment rare et ne s’est jusqu’ici présenté qu’avec le saphir du Puy.

On pourra me faire une autre objection : d’après votre système, me dira-t-on, toutes les parties du globe ont joui de la même chaleur dont jouissent aujourd’hui les régions voisines de l’équateur ; il a donc dû se former des diamants et autres pierres précieuses dans toutes les régions de la terre, et l’on devrait y trouver quelques-unes de ces anciennes pierres qui, par leur essence, résistent aux injures de tous les éléments ; néanmoins on n’a nulle part, de temps immémorial, ni vu ni rencontré un seul diamant dans aucune des contrées froides ou tempérées : je réponds en convenant qu’il a dû se former en effet des diamants dans toutes les régions du globe lorsqu’elles jouissaient de la chaleur nécessaire à cette production ; mais, comme ils ne se trouvent que dans la première couche de la terre et jamais à de grandes profondeurs, il est plus probable que les diamants et les autres pierres précieuses ont été successivement recueillis par les hommes, de la même manière qu’ils ont recueilli les pépites d’or et d’argent, et même les blocs du cuivre primitif, lesquels ne se trouvent plus dans les pays habités, parce que toutes ces matières brillantes ou utiles ont été recherchées ou consommées par les anciens habitants de ces mêmes contrées.

Mais ces objections et les doutes qu’elles pourraient faire naître doivent également disparaître à la vue des faits et des raisons qui démontrent que les diamants, les rubis, topazes et saphirs ne se trouvent qu’entre les tropiques, dans la première et la plus chaude couche de la terre ; et que ces mêmes pierres étant d’une densité plus grande et d’une essence plus simple que toutes les autres pierres transparentes vitreuses ou calcaires, on ne peut