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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome IV, Partie 1.djvu/21

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qui ne croient que ce qu’ils voient seront dorénavant convaincus qu’on peut deviner les faits par l’analogie, et que le diamant, comme toutes les autres matières transparentes, solides ou liquides, dont la réfraction est relativement à leur densité plus grande qu’elle ne doit être, sont réellement des substances inflammables ou combustibles.

En considérant ces rapports de la réfraction et de la densité, nous verrons que la réfraction de l’air, qui de toutes est la moindre, ne laisse pas que d’être trop grande relativement à la densité de cet élément, et cet excès ne peut provenir que de la quantité de matière combustible qui s’y trouve mêlée, et à laquelle on a donné dans ces derniers temps la dénomination d’air inflammable ; c’est en effet cette portion de substance inflammable mêlée dans l’air de l’atmosphère qui lui donne cette réfraction plus forte relativement à sa densité : c’est aussi cet air inflammable qui produit souvent dans l’atmosphère des phénomènes de feu. On peut employer cet air inflammable pour rendre nos feux plus actifs, et, quoiqu’il ne réside qu’en très petite quantité dans l’air atmosphérique, cette petite quantité suffit pour que la réfraction en soit plus grande qu’elle ne le serait si l’atmosphère était privée de cette portion de matière combustible.

On a d’abord cru que le diamant, exposé à l’action d’un feu violent, se dissipait et se volatilisait sans souffrir une combustion réelle ; mais des expériences bien faites et très multipliées ont démontré que ce n’est pas en se dispersant ou se volatilisant, mais en brûlant comme toute autre matière inflammable, que le diamant se détruit au feu libre et animé par le contact de l’air[1].

On n’a pas fait sur le rubis, la topaze et le saphir autant d’épreuves que sur les diamants : ces pierres doivent être moins combustibles, puisque leur réfraction est moins forte que celle du diamant, quoique, relativement à leur densité, cette réfraction soit plus grande, comme dans les autres corps inflammables ou combustibles ; et, en effet, on a brûlé le rubis au foyer du miroir ardent : on ne peut guère douter que la topaze et le saphir, qui sont de la même essence, ne soient également combustibles. Ces pierres précieuses sont, comme les diamants, des produits de la terre limoneuse, puisqu’elles ne se trouvent, comme le diamant, que dans les climats chauds, et qu’attendu leur grande densité et leur dureté elles ne peuvent provenir des matières vitreuses, calcaires et métalliques ; que, de plus, elles n’ont de même qu’une simple réfraction trop forte relativement à leur densité, et qu’il faut seulement leur appliquer un feu encore plus violent qu’au diamant pour opérer leur combustion ; car leur force réfractive n’étant que de 15, tandis que celle du diamant est de 30, et leur densité étant plus grande d’environ un septième que celle du diamant, elles doivent contenir proportionnellement moins de parties combustibles, et résister plus longtemps et plus puissamment à l’action du feu, et brûler moins complètement que le diamant qui ne laisse aucun résidu après sa combustion.

On sentira la justesse de ces raisonnements en se souvenant que la puissance réfrac-

  1. J’ai composé, en 1770, le premier volume de mes Suppléments : comme je ne m’occupais pas alors de l’histoire naturelle des pierres, et que je n’avais pas fait de recherches historiques sur cet objet, j’ignorais que, dès le temps de Boyle, on avait fait en Angleterre des expériences sur la combustion du diamant, et qu’ensuite on les avait répétées avec succès en Italie et en Allemagne ; mais MM. Macquer, Darcet et quelques autres savants chimistes, qui doutaient encore du fait, s’en sont convaincus. MM. de Lavoisier, Cadet et Mitouard ont donné sur ce sujet un très bon Mémoire, en 1772, dans lequel on verra que des diamants de toutes couleurs, mis dans un vaisseau parfaitement clos, ne souffrent aucune perte ni diminution de poids, ni par conséquent aucun effet de la combustion, quoique le vaisseau qui les renferme fût exposé à l’action du feu le plus violent (*) : ainsi le diamant ne se décompose ni ne se volatilise en vaisseaux clos, et il faut l’action de l’air libre pour opérer sa combustion.

    (*) Mémoires de MM. Lavoisier et Cadet. Académie des sciences, année 1772.