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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome IV, Partie 1.djvu/28

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On ne connaissait, jusqu’au commencement de ce siècle, que les diamants qui nous venaient des presqu’îles ou des îles de l’Inde orientale : Golconde, Visapour, Bengale, Pégu, Siam[1], Malabar, Ceylan et Bornéo[2], étaient les seules contrées qui en fournissaient ; mais, en 1728, on en a trouvé dans le sable de deux rivières au Brésil ; ils y sont en si grande quantité, que le gouvernement de Portugal fait garder soigneusement les avenues de ces lieux pour qu’on ne puisse y recueillir de diamants qu’autant que le commerce peut en faire débiter sans diminution de prix[3].

Il est plus que probable que, si l’on faisait des recherches dans les climats les plus chauds de l’Afrique, on y trouverait des diamants comme il s’en trouve dans les climats les plus chauds de l’Asie et de l’Amérique[4] ; quelques relateurs assurent qu’il s’en trouve en Arabie, et même à la Chine ; mais ces faits me semblent très douteux et n’ont été confirmés par aucun de nos voyageurs récents.

Les diamants bruts, quoique bien lavés, n’ont que très peu d’éclat, et ils n’en prennent que par le poli qu’on ne peut leur donner qu’en employant une matière aussi dure, c’est-à-dire de la poudre de diamant : tout autre substance ne fait sur ces pierres aucune impression sensible, et l’art de les tailler est aussi moderne qu’il était difficile[5] ; il y a même

  1. On assura La Loubère que divers particuliers siamois, ayant présenté aux officiers du roi de Siam quelques diamants qu’ils avaient tirés des mines de ce royaume, s’étaient retirés au Pégu dans le chagrin de n’avoir reçu aucune récompense. Histoire générale des voyages, t. IX, p. 308.
  2. Il y a des diamants à Sukkademia, dans l’île de Bornéo. Les diamants que cette ville fournit en abondance, et qui passent pour les meilleurs de l’univers, se pêchent dans la rivière de Lavi, en plongeant comme on fait pour les perles ; on y en trouve dans tous les temps de l’année, mais surtout aux mois de janvier, avril, juillet et octobre : on trouve encore à se procurer des diamants à Benjarmussin dans la même île ; on y en compte de quatre sortes qui sont distinguées par leur eau, que les Indiens appellent verna ; verna ambon est le blanc, verna lond le vert, verna sakkar le jaune et verna bessi une couleur entre le vert et le jaune. Histoire générale des Voyages, t. Ier, p. 563, et t. II, p. 188. — Les plus fins et les meilleurs des diamants viennent en quantité du royaume de Bellagatta ; il s’en trouve bien au Pégu et ailleurs, mais non de tel prix. Voyage de François Pyrard de Laval ; Paris, 1619, t. II, p. 144.
  3. En 1728, on découvrit sur quelques branches de la rivière de Garavelas et à Serro de Frio, dans la province de Minas-Geraes au Brésil, de véritables diamants ; on les prit d’abord pour des cailloux inutiles ; mais, en 1730, ils furent reconnus pour de très beaux diamants, et les Portugais en ramassèrent avec tant de diligence qu’il en vint 1 146 onces par la flotte de Rio-Janeiro : cette abondance en fit baisser le prix considérablement, mais les mesures prises par un ministère attentif les ramenèrent bientôt à leur première valeur… Aujourd’hui, la cour de Portugal jette dans le commerce 60 000 carats de diamants ; c’est un seul négociant qui s’en saisit et qui donne 3 120 000 livres, à raison de 25 livres le carat : si la fraude s’élève à un dixième, comme le pensent tous les gens instruits, ce sera 312 000 livres qu’il faudra ajouter à la somme touchée par le gouvernement… Les diamants du Brésil ne sont pas tirés d’une carrière : il sont la plupart épars dans des rivières dont on détourne plus ou moins souvent le cours…, et on les trouve en plus grand nombre dans la saison des pluies et après de grands orages. Histoire philosophique et politique des deux Indes.
  4. On trouve dans la rivière de Sestos, sur la côte de Malaguette en Afrique, une sorte de cailloux semblables à ceux de Médoc, mais plus durs, plus clairs et d’un plus beau lustre : ils coupent mieux que le diamant et n’ont guère moins d’éclat lorsqu’ils sont bien taillés. Histoire générale des Voyages, t. III, p. 609.
  5. Auparavant qu’on eût jamais pensé de pouvoir tailler les diamants, lassé qu’on était d’avoir essayé plusieurs manières pour en venir à bout, on était contraint de les mettre en œuvre tels qu’on les rencontrait aux Indes ; c’est à savoir, des pointes naïves qui se trouvent au fond des torrents quand les eaux se sont retirées, et dans les sables tout à fait bruts,