Aller au contenu

Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome IV, Partie 1.djvu/36

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sées, sont sujettes aux glaces, aux points, aux vergettes ou filets, et à tous les défauts qui peuvent résulter du manque d’uniformité dans leur structure, et de la dissolution imparfaite ou du mélange mal assorti des parties métalliques qui les colorent[1].

La topaze d’Orient est d’un jaune vif couleur d’or ou d’un jaune plus pâle et citrin. Dans quelques-unes, et ce sont les plus belles, cette couleur vive et nette est en même temps moelleuse et comme satinée, ce qui donne encore plus de lustre à la pierre ; celles qui manquent de couleur, et qui sont entièrement blanches, ne laissent pas de briller d’un éclat assez vif ; cependant on ne peut guère les confondre avec les diamants, car elles n’en ont ni la dureté, ni la force de réfraction, ni le beau feu : il en est de même des saphirs blancs, et, lorsqu’à cet égard on veut imiter la nature, on fait aisément, au moyen du feu, évanouir le jaune des topazes et encore plus aisément le bleu des saphirs, parce que des trois couleurs, rouge, jaune et bleue, cette dernière est la plus volatile ; aussi la plupart des saphirs blancs répandus dans le commerce ne sont originairement que des saphirs d’un bleu très pâle, que l’on a fait chauffer pour leur enlever cette faible couleur.

Les contrées de l’Inde où les topazes et les saphirs se trouvent en plus grande quantité sont l’île de Ceylan[2], et les royaumes de Pégu, de Siam et de Golconde[3] ; les voyageurs en ont aussi rencontré à Madagascar[4], et je ne doute pas, comme je l’ai dit, qu’on n’en trouvât de même dans les terres du continent de l’Afrique, qui sont celles de l’univers où la chaleur est la plus grande et la plus constante. On en a aussi rencontré dans les sables de quelques rivières de l’Amérique méridionale[5].

Les topazes d’Orient ne sont jamais d’un jaune foncé ; mais il y a des saphirs de toutes

  1. Les pierres d’Orient sont singulièrement sujettes à être calcédoineuses, glaceuses et inégales de couleur : ce sont particulièrement ces trois grands défauts qui rendent les pierres orientales d’une rareté si désespérante pour les amateurs.

    Le rouge, le bleu et le jaune sont les trois couleurs les plus dominantes et les plus universellement connues dans ces pierres ; ce sont justement les trois couleurs mères, c’est-à-dire celles dont les différentes combinaisons entre elles produisent toutes les autres : excepté le bleu et le jaune, toutes les autres couleurs et nuances n’offrent la pierre d’Orient que sous un très petit volume ; en général, toute pierre d’Orient quelconque, rigoureusement parfaite, du poids de 36 à 40 grains, est une chose très extraordinaire. (Note communiquée par M. Hoppé.)

  2. Histoire générale des voyages, t. VII, p. 364 ; t. IX, p. 517 et 567 ; et t. XI, p. 681. — On trouve de deux sortes de saphirs dans l’île de Ceylan : les fins, qui sont durs et d’un bel azur, sont encore fort estimés, mais il y en a d’autres d’un bleu pâle dont on fait peu de cas : on les estime néanmoins beaucoup plus que ceux que l’on tire de la mine qui est près de Mangalor, ou de celle de Capuçar dans le royaume de Calicut. Histoire de l’île de Ceylan, par le capitaine Jean Ribeyro ; Trévoux, 1701.
  3. Quelques talapoins du royaume de Siam montrèrent au nommé Vincent, voyageur provençal, des saphirs et des diamants sortis de leurs mines. Histoire générale des voyages, t. IX, p. 308.
  4. En 1665, quelques nègres du Fort-Dauphin, à Madagascar, y apportèrent des pierres précieuses, les unes jaunes, qui passèrent pour de parfaites topazes, les autres brunes et de la même espèce, mais encore éloignées de leur perfection ; la mine en fut découverte dans un étang formé à deux lieues de la mer, par une rivière qui s’y jette à la pointe d’Itapèze : la plupart des Français coururent avidement à la source de ces richesses, mais le plus grand nombre fut épouvanté par les crocodiles qui semblaient garder l’étang. Ceux que cette crainte ne fut pas capable d’arrêter se trouvèrent rebutés par la hauteur de l’eau qu’il fallait remuer pour découvrir les pierres, et par la nécessité de demeurer longtemps dans la vase pour les tirer. Histoire générale des voyages, t. VIII, p. 577.
  5. Suivant Raleigh, il y a des saphirs dans le pays qui avoisine la rivière de Caroli, qui décharge ses eaux dans l’Orénoque, en Amérique. Idem, t. XIV, p. 350.