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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome IV, Partie 1.djvu/74

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et en particulier MM. Guettard, Fougeroux de Bondaroy et Faujas de Saint-Fond, ont relevé cette erreur, et ont démontré que les végétaux n’ont aucune part à la formation du tripoli[1]. Ils ont observé avec soin les carrières de tripoli à Menât en Auvergne. M. de Saint-Fond en a aussi reconnu des morceaux parmi les cailloux roulés par le Rhône, près

    Riom et à une lieue et demie de Pouzol… À l’issue de quelques gorges, il se présente une colline où est situé le village de Menat : pour y monter, il faut passer un ruisseau appelé ruisseau de la mer, qui coule d’orient à occident… Les bords de ce ruisseau sont entièrement composés de ce tripoli ; celui qui est rouge a des bancs qui ont à peu près dix-huit pouces d’épaisseur, et qui sont divisés par feuillets ; ils forment en totalité une élévation au-dessus de l’eau d’environ quinze ou seize pieds ; ils sont tous inclinés selon le courant de l’eau, c’est-à-dire de l’orient à l’occident… Ces bancs ne paraissent séparés que par des teintes plus ou moins rouges ; au-dessus des plus élevés, il y a encore une douzaine de pieds de hauteur en terrain cultivé et portant blé. Ce terrain participe à la couleur des bancs de tripoli, mains moins foncée : ils parcourent une étendue d’environ cent pieds de longueur en descendant le ruisseau, depuis l’endroit où ils commencent jusqu’à un pont où ils finissent.

    » En remontant le ruisseau, depuis l’endroit où commencent ces bancs, on trouve une autre sorte de tripoli qui est noir, semblable au rouge quant à l’épaisseur des bancs et à leur inclinaison. Les bancs d’une troisième sorte, de couleur grise, sont isolés, ou plutôt ils coupent quelquefois les bancs de tripoli noir, et forment ainsi différents intervalles dans la masse totale de ce dernier tripoli. Ces deux dernières sortes sont, de même que les rouges, sous un terrain qui paraît avoir quinze pieds de haut et séparé du tripoli par une bande de terre jaune épaisse de quatre à cinq pouces.

    » Ayant fait déchausser avec des pioches plusieurs bancs de tripoli, j’ai trouvé dans l’intérieur une espèce de marcassite fort pesante, dure, brillante, et jetant une odeur de soufre… On trouve de ces mêmes marcassites dans les bancs sur lesquels le ruisseau coule.

    » En continuant de fouiller dans le tripoli noir, à cinq ou six pieds de hauteur au-dessous de l’eau, et ayant tiré de leur place plusieurs feuillets sans le renverser, j’y ai trouvé un sel assez piquant qui en couvrait toute la superficie, et sur quelques autres une cristallisation en forme d’étoiles, enfin sur quelques autres une espèce de rouille de couleur jaune.

    » L’étendue de tous ces bancs peut avoir en longueur trois cents pieds, depuis l’endroit où ils commencent jusqu’à leur jonction avec les rouges. Sur le terrain qui couvre ces derniers, et parmi les morceaux qui en sont détachés, on trouve une espèce de mâchefer : les cailloux qui s’y rencontrent sont de la même qualité que ceux des environs dont on se sert pour bâtir à Menât ; ils sont pour la plupart feuilletés et remplis de paillettes brillantes ; on n’y en trouve aucun oblong ni aplati par les côtés.

    » Les carrières qui bordent le côté gauche du ruisseau en remontant sont beaucoup moins abondantes que celles qui sont à droite.

    » En général, il y a parmi les pierres dont parle M. Grangier, dit M. Guettard, des pierres de volcan, des quartz, du granit, des pierres talqueuses et du schiste. » Mémoires de l’Académie des sciences, année 1755, p. 177 et suiv.

  1. On est assuré que le tripoli n’est point un bois fossile altéré, et que les bois fossiles des tripolières de Poligny en Bretagne se sont trouvés accidentellement dans une terre de tripoli qui les a pénétrés, tout comme ils auraient pu être ensevelis sous des terres argileuses ou calcaires. Il y a des carrières de tripoli à Menat, à sept lieues de Riom en Auvergne, qui prouvent que cette matière est absolument étrangère au bois fossile. On trouve le tripoli ordinairement disposé par lit : il est très léger, sec et grenu au toucher, absorbant l’eau avec bruit, sans perdre de sa consistance, durcissant lorsqu’on l’expose à un feu violent, et ne faisant point d’effervescence avec les acides. Le tripoli est en général d’une couleur qui tire un peu sur le rouge ; il varie cependant par sa couleur et par sa dureté ; il y en a du noir, du gris, du blanc, du rougeâtre. On trouve, parmi les cailloux roulés de Montélimar, un très beau tripoli rougeâtre qui a été arrondi par les eaux ; on trouve quelquefois, dans ces