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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome IV, Partie 1.djvu/95

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tandis qu’elles sont toujours presque également abondantes dans la zone torride ; elles doivent donc se porter alors avec plus de rapidité de l’équateur aux pôles, et devenir lumineuses par leur accumulation et leur resserrement dans un plus petit espace[1].

Mais ce n’est pas seulement dans l’atmosphère et à la surface du globe que ce fluide électrique produit de grands effets ; il agit également et même avec beaucoup plus de force à l’intérieur du globe, et surtout dans les cavités qui se trouvent en grand nombre au-dessous des couches extérieures de la terre ; il fait jaillir dans tous ces espaces vides des foudres plus ou moins puissantes : et, en recherchant les diverses manières dont peuvent se former ces foudres souterraines, nous trouverons que les quartz, les jaspes, les feldspaths, les schorls, les granits et autres matières vitreuses, sont électrisables par frottement, comme nos verres factices, dont on se sert pour produire la force électrique et pour isoler les corps auxquels on veut la communiquer.

Ces substances vitreuses doivent donc isoler les amas d’eau qui peuvent se trouver dans ces cavités, ainsi que les débris des corps organisés, les terres humides, les matières calcaires, et les divers filons métalliques. Ces amas d’eaux, ces matières métalliques, calcaires, végétales et humides, sont, au contraire, les plus puissants conducteurs du fluide électrique. Lors donc qu’elles sont isolées par les matières vitreuses, elles peuvent être chargées d’un excès plus ou moins considérable de ce fluide, de même qu’en sont chargées les nuées environnées d’un air sec qui les isole.

Des courants d’eau, produits par des pluies plus ou moins abondantes ou d’autres causes locales et accidentelles, peuvent faire communiquer des matières conductrices, isolées et chargées de fluide électrique, avec d’autres substances de même nature également isolées, mais dans lesquelles ce fluide n’aura pas été accumulé : alors ce fluide de feu doit s’élancer du premier amas d’eau vers le second, et dès lors il produit la foudre souterraine dans l’espace qu’il parcourt. Les matières combustibles s’allument ; les explosions se multiplient ; elles soulèvent et ébranlent des portions de terre d’une grande étendue et des blocs de rochers en très grande masse et en bancs continus ; les vents souterrains, produits par ces grandes agitations, soufflent et s’élancent dès lors avec violence contre des substances conductrices de l’électricité, isolées par des matières vitreuses : ils peuvent donc aussi électriser ces substances de la même manière que nous électrisons, par le moyen de l’air fortement agité, des conducteurs isolés, humides ou métalliques.

La foudre allumée par ces diverses causes, en mettant le feu aux matières combustibles renfermées dans le sein de la terre, peut produire des volcans et d’autres incendies durables. Les matières enflammées dans leurs foyers doivent, en échauffant les schistes et les autres matières vitreuses de seconde formation qui les contiennent et les isolent, augmenter l’affinité de ces dernières substances avec le feu électrique : elles doivent alors leur communiquer une partie de celui qu’elles possèdent, et, par conséquent, devenir électrisées en moins. Et c’est par cette raison que lorsque ces matières, fondues et rejetées par les volcans, coulent à la surface de la terre, ou qu’elles s’élèvent en colonnes ardentes au-dessus des cratères, elles attirent le fluide électrique des divers corps qu’elles rencontrent, et même des nuages suspendus au-dessus ; car l’on voit alors jaillir de tous côtés des foudres aériennes qui s’élancent vers les matières enflammées, vomies par les volcans : et, comme

  1. M. le comte de Lacépède a publié, dans le Journal de physique de 1778, un Mémoire dans lequel il suit les mêmes vues, relatives à l’électricité, que nous avons données dans notre introduction à l’Histoire des minéraux, et rapporte l’origine des aurores boréales à l’accumulation du feu électrique qui part de l’équateur, et va se ramasser au-dessus des contrées polaires. En  1779, on a lu, dans l’une des séances publiques de l’Académie des sciences, un Mémoire de M. Franklin, dans lequel ce savant physicien attribue aussi la formation des aurores boréales au fluide électrique qui se porte et se condense au-dessus des glaces des deux pôles.

    [Note de Wikisource : Buffon a raison en reconnaissant dans les aurores polaires un phénomène électrique, « canalisé » par les méridiens magnétiques ; mais il se trompe sur l’origine des particules qui provoquent cette électricité : elles ne proviennent pas de la terre, mais du soleil ; ces particules, portées par le vent solaire, excitent les atomes de la haute atmosphère, qui, en se désexcitant, produisent ces lueurs caractéristiques.]