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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome V.djvu/103

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jaune, la peau qui couvre la base du bec bleue, le bec noir, les pieds d’un bleu pâle, et les ongles noirs, et presque tous aussi longs les uns que les autres : tout le dessus du corps, des ailes et de la queue est d’un brun foncé ; tout le dessous du corps, des ailes et de la queue est blanc ; les plumes des jambes sont blanches, courtes et appliquées de très près sur la peau. « Le pêcheur, dit le P. du Tertre, est tout semblable au mansfeni, hormis qu’il a les plumes du ventre blanches, et celles du dessus de la tête noires ; ses griffes sont un peu plus petites. Ce pêcheur est un vrai voleur de mer, qui n’en veut non plus aux animaux de la terre qu’aux oiseaux de l’air, mais seulement aux poissons, qu’il épie de dessus une branche ou une pointe de roc ; et les voyant à fleur d’eau, il fond promptement dessus, les enlevant avec ses griffes, et les va manger sur un rocher : quoiqu’il ne fasse pas la guerre aux oiseaux, ils ne laissent pas de le poursuivre et de s’attrouper, et de le becqueter jusqu’à ce qu’il change de quartier. Les enfants des sauvages les élèvent étant petits, et s’en servent à la pêche par plaisir seulement, car ils ne rapportent jamais leur pêche. » Cette indication du P. du Tertre n’est ni assez précise, ni assez détaillée, pour qu’on puisse être assuré que l’oiseau dont il parle est le même que celui de Catesby, et nous ne le disons que comme une présomption ; mais ce qu’il y a ici de bien plus certain, c’est que ce même oiseau d’Amérique, donné par Catesby, ressemble si fort à notre balbuzard d’Europe, qu’on pourrait croire avec fondement que c’est absolument le même, ou du moins une simple variété dans l’espèce du balbuzard ; il est de la même grosseur, de la même forme, à très peu près de la même couleur, et il a, comme lui, l’habitude de pêcher et de se nourrir de poisson. Tous ces caractères se réunissent pour n’en faire qu’une seule et même espèce avec celle du balbuzard.

VI. — L’oiseau des îles Antilles, appelé par nos voyageurs mansfeni, et qu’ils ont regardé comme une espèce de petit aigle (nisus) « Le mansfeni[NdÉ 1], dit le P. du Tertre, est un puissant oiseau de proie, qui, en sa forme et en son plumage, a tant de ressemblance avec l’aigle, que la seule petitesse peut l’en distinguer, car il n’est guère plus gros qu’un faucon ; mais il a les griffes deux fois plus grandes et plus fortes ; quoiqu’il soit si bien armé, il ne s’attaque jamais qu’aux oiseaux qui n’ont point de défense, comme aux grives, alouettes de mer, et tout au plus aux ramiers et tourterelles ; il vit aussi de serpents et de petits lézards ; il se perche ordinairement sur les arbres les plus élevés. Les plumes sont si fortes et si serrées, que, si en le tirant on ne le prend à rebours, le plomb n’a point de prise pour pénétrer ; la chair en est un peu plus noire, mais elle ne laisse pas d’être excellente. » (Histoire des Antilles, tome II, page 252.)


  1. C’est le Falco Antillarum Gmel. [Note de Wikisource : probablement la petite buse Buteo platypterus Vieillot, appelée dans les Antilles françaises, mansfenil ou malfini].