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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome V.djvu/106

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tour, ou, si l’on veut suivre le sentiment des anciens, il fera le dernier degré des nuances entre ces deux genres d’oiseaux, tenant d’infiniment plus près aux vautours qu’aux aigles. Aristote[1], qui l’a placé parmi les aigles, avoue lui-même qu’il est plutôt du genre des vautours, ayant, dit-il, tous les vices de l’aigle sans avoir aucune de ses bonnes qualités, se laissant chasser et battre par les corbeaux, étant paresseux à la chasse, pesant au vol, toujours criant, lamentant, toujours affamé et cherchant les cadavres. Il a aussi les ailes plus courtes et la queue plus longue que les aigles ; la tête d’un bleu clair, le cou blanc et nu, c’est-à-dire couvert comme la tête d’un simple duvet blanc, avec un collier de petites plumes blanches et raides au-dessous du cou en forme de fraise ; l’iris des yeux est d’un jaune rougeâtre ; le bec et la peau nue qui en recouvre la base sont noirs ; l’extrémité crochue du bec est blanchâtre ; le bas des jambes et les pieds sont nus et de couleur plombée ; les ongles sont noirs, moins longs et moins courbés que ceux des aigles. Il est, de plus, fort remarquable par une tache brune en forme de cœur qu’il porte sur la poitrine au-dessous de sa fraise, et cette tache brune paraît entourée ou plutôt lisérée d’une ligne étroite et blanche. En général, cet oiseau est d’une vilaine figure et mal proportionnée ; il est même dégoûtant par l’écoulement continuel d’une humeur qui sort de ses narines, et de deux autres trous qui se trouvent dans son bec par lesquels s’écoule la salive. Il a le jabot proéminent, et lorsqu’il est à terre, il tient toujours les ailes étendues[2] ; enfin il ne ressemble à l’aigle que par la grandeur, car il surpasse l’aigle commun, et il approche du grand aigle pour la grosseur du corps, mais il n’a pas la même étendue de vol. L’espèce du percnoptère paraît être plus rare que celles des autres vautours ; on la trouve néanmoins dans les Pyrénées, dans les Alpes et dans les montagnes de la Grèce, mais toujours en assez petit nombre.


  1. Aristote en fait la quatrième espèce de ses aigles, sous le nom de περκνόπτερος, et il lui donne ensuite pour surnom Ὑπάετος, que Théodore Gaza a bien rendu par subaquila ; mais d’autres auteurs, et particulièrement Aldrovande, ont pensé qu’on devait lire Γυπάετος au lieu de Ὑπάετος, c’est-à-dire vulturina aquila au lieu de subaquila : ce qu’il y a de vrai, c’est que l’une et l’autre de ces deux dénominations conviennent également à cet oiseau.
  2. Cette habitude de tenir les ailes étendues appartient non seulement à cette espèce, mais encore à la plupart des vautours et à quelques autres oiseaux de proie.