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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome V.djvu/198

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parties comme le bec des perroquets[1], et c’est par la facilité de ces deux mouvements qu’ils font si souvent craquer leur bec, et qu’ils peuvent aussi l’ouvrir assez pour prendre de très gros morceaux que leur gosier aussi ample, aussi large que l’ouverture de leur bec, leur permet d’avaler tout entiers ; 4o par les serres, dont ils ont un doigt antérieur de mobile, et qu’ils peuvent à volonté retourner en arrière, ce qui leur donne plus de fermeté et de facilité qu’aux autres pour se tenir perchés sur un seul pied ; 5o par leur vol, qui se fait en culbutant lorsqu’ils sortent de leur trou, et toujours de travers et sans aucun bruit, comme si le vent les emportait : ce sont là les différences générales entre ces oiseaux de proie nocturnes et les oiseaux de proie diurnes, qui, comme l’on voit, n’ont, pour ainsi dire, rien de semblable que leurs armes, rien de commun que leur appétit pour la chair et leur goût pour la rapine.


LE DUC OU GRAND DUC

Les poètes ont dédié l’aigle à Jupiter, et le duc[NdÉ 1] à Junon : c’est en effet l’aigle de la nuit et le roi de cette tribu d’oiseaux qui craignent la lumière du jour, et ne volent que quand elle s’éteint ; le duc paraît être, au premier coup d’œil, aussi gros, aussi fort que l’aigle commun ; cependant il est

  1. « Utrumque rostrum sive mandibulæ ambæ mobiles sunt ; insignesque superiori muscul ab utrâque parte dati qui illud removeant adducantque ad inferius rostrum, relictus adductorum alter in uno latere ab occipite veniens tendinosâ expansione in palato desinit. » Klein, de Avib., p. 54.
  1. Le grand-duc est désigné par les ornithologistes modernes sous le nom scientifique de Bubo maximus Sibb. [Note de Wikisource : actuellement Bubo bubo Linnæus, vulgairement grand-duc d’Europe]. Il appartient à l’ordre des Rapaces et à la famille des Strigidés. Les oiseaux de cette famille sont tous nocturnes, c’est-à-dire qu’ils sortent surtout au crépuscule. Leurs yeux sont très grands, arrondis, dirigés en avant et très rapprochés l’un de l’autre, ce qui leur donne une assez grande ressemblance avec ceux des chats ; ils sont souvent entourés d’un cercle de plumes rigides, disposées de façon à former en avant de l’œil une sorte de voile. Leur bec est très recourbé dès la base, de façon à prendre l’aspect d’une sorte de nez pointu qui, avec les oreilles, achève de donner à la face de ces oiseaux une certaine ressemblance avec celle des chats ; la pointe du bec est aiguë et bien organisée pour déchirer les petits animaux, oiseaux ou mammifères qui servent à la nourriture des Strigidés. Les oreilles sont très développées, elles sont habituellement pourvues d’une valvule membraneuse externe et d’un repli cutané, sorte de pavillon sur lequel s’insère un bouquet de plumes rigides. Les jambes sont courtes ; les pieds sont souvent emplumés jusqu’au bout des doigts et pourvus de griffes fortes ; le doigt externe peut être dirigé en arrière. Les ailes sont longues, larges, arrondies, dentées en scie. Tout le corps est couvert de plumes longues et très souples. Le vol est silencieux. La voix est sonore et plaintive. C’est, sans nul doute, à l’aspect de leur face, qui est fort intelligente, à leur voix plaintive, à leur vol silencieux et à l’heure où ils battent la campagne, que les Strigidés doivent les préjugés funèbres dont ils sont l’objet parmi les habitants des campagnes.

    Le grand duc est habituellement désigné par le nom vulgaire de chat-huant, qu’il doit à sa physionomie et à sa voix.