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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome V.djvu/213

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ils ont environ douze à treize pouces de longueur depuis le bout du bec jusqu’à l’extrémité des pieds, ainsi ils n’ont guère que deux pouces de moins que la hulotte, mais ils paraissent sensiblement moins gros en proportion. On reconnaîtra le chat-huant d’abord à ses yeux bleuâtres, et ensuite à la beauté et à la variété de son plumage[1] ; et enfin à son cri hohô, hohô, hohohoho, par lequel il semble huer, hôler ou appeler à haute voix.

Gessner, Aldrovande, et plusieurs autres naturalistes après eux, ont employé le mot strix pour désigner cette espèce, mais je crois qu’ils se sont trompés, et que c’est à l’effraie qu’il faut le rapporter : strix, pris dans cette acception, c’est-à-dire comme nom d’un oiseau de nuit, est un mot plutôt latin que grec. Ovide nous en donne l’étymologie, et indique assez clairement quel est l’oiseau nocturne auquel il appartient, par le passage suivant :

........Strigum
Grande caput, stantes oculi, rostra apta rapinæ ;
Canities pennis, unguibus hamus inest.
Est illis strigibus nomen, sed nominis hujus
Causa quod horrenda stridere nocte solent.

La tête grosse, les yeux fixes, le bec propre à la rapine, les ongles en hameçon, sont des caractères communs à tous ces oiseaux ; mais la blancheur du plumage, canities pennis, appartient plus à l’effraie qu’à aucun autre ; et ce qui détermine sur cela mon sentiment, c’est que le mot stridor, qui signifie en latin un craquement, un grincement, un bruit désagréablement entrecoupé et semblable à celui d’une scie, est précisément le cri, gre, grei, de l’effraie ; au lieu que le cri du chat-huant est plutôt une voix haute, un hôlement, qu’un grincement.

On ne trouve guère les chats-huants ailleurs que dans les bois : en Bourgogne ils sont bien plus communs que les hulottes, ils se tiennent dans des arbres creux, et l’on m’en a apporté quelques-uns dans le temps le plus rigoureux de l’hiver, ce qui me fait présumer qu’ils restent toujours dans le pays, et qu’ils ne s’approchent que rarement de nos habitations. M. Frisch donne le chat-huant comme une variété de l’espèce de la hulotte, et prend encore pour une seconde variété de cette même espèce le mâle du chat-huant : sa planche cotée xciv est la hulotte ; la planche xcv la femelle du chat-huant, et la planche xcvi le chat-huant mâle : ainsi, au lieu de trois variétés qu’il indique, ce sont deux espèces différentes, ou si l’on voulait que le chat-huant ne fût qu’une variété de l’espèce de la hulotte, il faudrait

  1. Voyez-en la description très détaillée et très exacte dans l’Ornithologie de M. Brisson, t. Ier, p. 500 et suivantes : il suffit de dire ici que les couleurs du chat-huant sont bien plus claires que celles de la hulotte ; le mâle chat-huant est à la vérité plus brun que la femelle, mais il n’a que très peu de noir en comparaison de la hulotte, qui de toutes les chouettes est la plus grande et la plus brune.