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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome V.djvu/220

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des rochers est, en général, plus brune, marquée de taches plus grandes et longues comme de petites flammes, au lieu que les taches de l’effraie, lorsqu’elle en a, ne sont pour ainsi dire que des points ou des gouttes, et c’est par cette raison qu’on a appelé l’effraie noctua guttata, et la chouette des rochers dont il est ici question noctua flammeata ; elle a aussi les pieds bien plus garnis de plumes et le bec tout brun, tandis que celui de l’effraie est blanchâtre et n’a de brun qu’à son extrémité. Au reste, la femelle, dans cette espèce, a les couleurs plus claires et les taches plus petites que le mâle, comme nous l’avons aussi remarqué sur la femelle du chat-huant.

Belon dit que cette espèce s’appelle la grande chevèche ; ce nom n’est pas impropre, car cet oiseau ressemble assez par son plumage et par ses pieds bien garnis de duvet à la petite chevèche, que nous appelons simplement chevèche. Il paraît être aussi du même naturel, ne se tenant tous deux que dans les rochers, les carrières, et très peu dans les bois. Ces deux espèces ont aussi un nom particulier, kautz ou kautz-lein en allemand, qui répond au nom particulier chevèche en français. M. Salerne dit que la chouette du pays d’Orléans est certainement la grande chevèche de Belon ; qu’en Sologne on l’appelle chevèche, et plus communément chavoche ou caboche ; que les laboureurs font grand cas de cet oiseau, en ce qu’il détruit quantité de mulots ; que dans le mois d’avril on l’entend crier jour et nuit gout, mais d’un ton assez doux, et que, quand il doit pleuvoir, elle change de cri et semble dire goyon ; qu’elle ne fait point de nid, ne pond que trois œufs tout blancs, parfaitement ronds et gros comme ceux d’un pigeon ramier ; il dit aussi qu’elle loge dans les arbres creux, et qu’Olina se trompe lourdement quand il avance qu’elle couve les deux derniers mois de l’hiver ; cependant ce dernier fait n’est pas éloigné du vrai : non seulement cette chouette, mais même toutes les autres, pondent au commencement de mars et couvent par conséquent dans ce même temps ; et à l’égard de la demeure habituelle de la chouette ou grande chevèche dont il est ici question, nous avons observé qu’elle ne la prend pas dans des arbres creux, comme l’assure M. Salerne, mais dans des trous de rochers et dans les carrières, habitude qui lui est commune avec la petite chevèche dont nous allons parler dans l’article suivant ; elle est aussi considérablement plus petite que la hulotte et même plus petite que le chat-huant, n’ayant guère que onze pouces de longueur depuis le bout du bec jusqu’aux ongles.

Il paraît que cette grande chevèche, qui est assez commune en Europe[NdÉ 1], surtout dans les pays de montagnes, se trouve en Amérique dans celles du Chili, et que l’espèce indiquée par le P. Feuillée sous le nom de chevèche-

  1. La grande chevèche est répandue dans toute l’Europe centrale et dans une grande partie de l’Asie. Elle est très commune en Italie. C’est une de ces variétés qui constituait l’oiseau de Minerve des Grecs. [Note de Wikisource : On s’accorde plutôt aujourd’hui à considérer que c’est l’Athene noctua qui accompagne Minerve ; cf. l’article suivant.]