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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome V.djvu/279

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Mais j’aperçois encore dans ce dernier caractère distinctif une analogie avec les deux autres espèces ; car ce casque n’est autre chose, comme on sait, qu’un renflement des os du crâne, lequel est recouvert d’une enveloppe de corne ; et nous avons vu dans l’histoire de l’autruche et du touyou que la partie supérieure du crâne de ces deux animaux était pareillement munie d’une plaque dure et calleuse.


LE DRONTE

On regarde communément la légèreté comme un attribut propre aux oiseaux, mais si l’on voulait en faire le caractère essentiel de cette classe, le dronte[NdÉ 1] n’aurait aucun titre pour y être admis, car, loin d’annoncer la légèreté par ses proportions ou par ses mouvements, il paraît fait exprès pour nous donner l’idée du plus lourd des êtres organisés : représentez-vous un corps massif et presque cubique, à peine soutenu sur deux piliers très gros et très courts, surmonté d’une tête si extraordinaire qu’on la prendrait pour la fantaisie d’un peintre de grotesques ; cette tête, portée sur un cou renfoncé et goitreux, consiste presque tout entière dans un bec énorme où sont deux gros yeux noirs entourés d’un cercle blanc, et dont l’ouverture des mandibules se prolonge bien au delà des yeux, et presque jusqu’aux oreilles ; ces deux mandibules, concaves dans le milieu de leur longueur, renflées par les deux bouts et recourbées à la pointe en sens contraire, ressemblent à deux cuillers pointues qui s’appliquent l’une à l’autre, la convexité en dehors : de tout cela il résulte une physionomie stupide et vorace, et qui, pour comble de difformité est accompagnée d’un bord de plume, lequel, suivant le contour de la base du bec, s’avance en pointe sur le front, puis s’arrondit autour de la face en manière de capuchon, d’où lui est venu le nom de cygne encapuchonné (cycnus cucullatus).

La grosseur qui, dans les animaux, suppose la force, ne produit ici que la pesanteur ; l’autruche, le touyou, le casoar, ne sont pas plus en état de voler que le dronte, mais du moins ils sont très vites à la course ; au lieu que le dronte paraît accablé de son propre poids, et avoir à peine la force de se

  1. Didus ineptus Linn. [Note de Wikisource : actuellement Raphus cucullatus Linnæus, vulgairement dronte de Maurice ou dodo de l’île Maurice]. Cuvier dit de cet oiseau, qui n’existe plus à notre époque : « Le dronte n’est connu que par une description faite par les premiers navigateurs hollandais, et conservée par Clusius, Exotic., p. 99, et par un tableau à l’huile, de la même époque, copié par Edwards, pl. 294 ; car la description d’Herbert est puérile, et toutes les autres sont copiées de Clusius et d’Edwards. Il paraît que l’espèce entière a disparu, et l’on n’en possède plus aujourd’hui qu’un pied conservé au Muséum britannique et une tête en assez mauvais état au Muséum Asmoléen d’Oxford. Le bec ne paraît pas sans quelque rapport avec celui des pingouins, et le pied ressemblerait assez à celui des manchots, s’il était palmé. »